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1761. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Lui mort, ses ennemis s’empressèrent de profiter de l’avantage vulgaire acquis au dernier qui parle. […] Quelques pages plus haut (474), Charpentier parle ainsi de Furetière : « Il me siérait bien, par exemple, de dire que Furetière n’avait pas d’esprit, et cela parce qu’il m’a outragé dans plusieurs endroits de ses écrits. […] Voilà comme je parle toujours, amy de la vérité préférablement à tout le monde, et vous me devez croire aussy quand je vous asseure que je suis sincèrement votre très humble et très obéissant serviteur. […] Racine le jour que la chose devoit être décidée ; mais, voyant que le gros de l’Académie prenoit parti pour la négative, lui seul osa parler ainsi à cette compagnie : « Messieurs, il y a trois choses à considérer ici : Dieu, le public et l’Académie.

1762. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Un prêtre traduisait la sœur Emmerich, comme un autre prêtre traduisait aussi, vers ce temps-là, sainte Thérèse ; mais, parmi les lettrés, qui a parlé de ces publications étonnantes et magnifiques ? […] Mais c’est du poëte, de l’immense poëte, qui s’ignorait, caché dans la sainte, qui s’ignorait aussi, que nous voulons vous parler ! […] Toute notre affaire à nous, — nous l’avons dit, — c’est de montrer le poëte qu’on ne voit pas plus que la sainte dans la sœur Emmerich ; le poëte, dans cette paysanne qui parle patois westphalien, invisible encore plus peut-être que la sainte, dans cette pauvre religieuse à névrose, et de rappeler, — mais non pas pour qu’il s’en corrige, — l’aimable accueil que, de toute éternité, le monde fait également à ses poëtes et à ses saints ! […] Lord Byron parle, dans ses Mémoires, de la faculté congrégatoire des poëtes comme de leur don le plus puissant et le plus mystérieux : eh bien !

1763. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Cuvillier-Fleury qui parle), — c’est le Roi de la phrase sonore, colorée, aérienne, — c’est le Roi de la phrase pour la phrase, du style pour le style, pour l’amour de la langue française qu’il adorait et qui le lui rendait bien, — le Roi du coloris, mettant sur des riens des touches d’Albane », eh bien, à la bonne heure ! […] Cuvillier-Fleury, qui se croit dans sa spécialité quand il parle de la Critique en disant : le Roi de la Critique ! […] Il était un feuilletoniste, et pas plus, mais pas moins, et là, puisqu’on parle de royauté, était sa royauté… Le feuilleton, avant lui, était de la critique, et il peut bien en être encore. […] Les Nymphes latines ne l’y dévorèrent point… de caresses, et après une longue accointance elles nous le renvoyèrent, l’esprit troublé, latinisant toujours, ne voulant pas démordre de ce diable de latin, radotant du latin, comme Panurge, dans ce français qu’il parlait si bien et qui suffisait à sa gloire… C’est là le seul échec de la partie qu’il joua contre la vie, cette horrible joueuse qui nous triche !

1764. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

À des clous cachés sont suspendus des brodequins d’airain, forte défense contre les dards, des cuirasses tissues d’un lin nouveau, et les creux boucliers éprouvés par le tranchant des épées de Chalcis, et les baudriers nombreux, et les tuniques de guerre64. » Le poëte parlait ainsi, ayant déjà paru, dans l’action, moins ferme qu’il n’était épris de ce luxe des armes. […] Dans une telle vie cependant, toute aux arts, mais à des arts faits pour entretenir la passion, le seul intérêt touchant, la seule dignité qui pût ennoblir les transports d’une âme agitée sans cesse par la musique et la poésie, c’était la piété maternelle, la tendresse pour une fille, cette Cléis que le philosophe Maxime de Tyr avait nommée, et dont quelques vers retrouvés de Sapho nous parlent aujourd’hui : « J’ai, dit-elle, une belle jeune fille semblable, dans sa forme élégante, aux fleurs dorées, Cléis, ma chère Cléis. […] Il ne suffit pas pour cela de la sévérité de son dialogue avec Alcée, tel que le cite Aristote69 : « Je veux », disait le hardi poëte, « te dire quelque chose ; mais la pudeur m’empêche. » Et Sapho de répondre : « Si tu avais le désir de choses nobles et belles, ni ta langue ne serait liée de peur de dire le mal, ni la pudeur ne retiendrait tes regards ; mais tu parlerais librement de ce qui est légitime. » Rien de mieux raisonné, sans doute ; mais tant d’autres témoignages nous la montrent différente ! […] Le témoignage s’en trouve dans cette anecdote du médecin Érasistrate surprenant la passion secrète du fils de Séleucus pour sa belle-mère Stratonice, par l’observation même des signes qu’avait sentis et marqués sur elle-même Sapho saisie d’amour : « Les symptômes, dit Plutarque, étaient les mêmes, la perte de la voix, l’expression des regards, la sueur brûlante, l’ataxie de la fièvre et le trouble dans les veines, enfin l’abattement de l’âme, l’abandon, la stupeur et la pâleur. » Telle est en effet, dans son expressive vérité, l’analyse médicale de cette ode profane, de ce crime élégant de la pensée dont Catulle avait égalé la force, mais non la grâce, et que voici, dans la lettre morte de la prose : « Il est pour moi égal aux dieux l’homme qui s’assied en face de toi et t’écoute doucement parler et doucement sourire.

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