— L’homme ainsi parle à l’homme et l’onde au flot sonore. […] L’homme parle et dispute avec l’obscurité, Et la larme de l’œil rit du bruit de la bouche. […] Tout comme toi gémit, ou chante comme moi, Tout parle. Et maintenant, homme, sais-tu pourquoi Tout parle ? […] quand je parle de moi, je vous parle de vous.
Quand on parla ensuite de lui, dans des notes et notices incomplètes, comme d’un jeune poëte riant, presque blond, idyllique, printanier, l’ami d’Abel, resté sur son mois de mai et donnant de belles espérances, c’était un contresens ou du moins c’était une nuance arriérée et un anachronisme. […] C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie siècles, avec cette différence que le xvie siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer. […] Et puis, c’est rarement en son nom qu’il parle : c’est au nom des maîtres, de ces poëtes divins et délicats dont il est plein et dont il nous sert les exquises reliques.
Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières. […] Qu’on exclut du tête-à-tête tout jugement comparatif sur le mérite de son ami et sur le sien, et qu’on s’est connu sans se classer : je ne parle pas des rivalités perfides, qui pourraient naître d’une concurrence quelconque, je me suis attachée dans cet ouvrage à considérer les hommes selon leur caractère sous le point de vue le plus favorable. […] Les femmes font habituellement de la confidence le premier besoin de l’amitié, et ce n’est plus alors qu’une conséquence de l’amour ; il faut que réciproquement une passion semblable les occupe, et leur conversation n’est souvent alors, que le sacrifice alternatif, fait par celle qui écoute à l’espérance de parler à son tour.
Partisan déclaré de l’expérience, il forme comme une transition entre l’école écossaise et les psychologistes dont nous venons de parler. […] Sur la première, il parle à peu près comme Reid ; sur la seconde, il devance les contemporains. […] A proprement parler, elle ne l’explique point ; tout se réduit à dire que nous percevons le monde externe, parce que nous avons la faculté de le percevoir.