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1371. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Il y est parlé délicatement de la dignité des lettres, de leur rôle dans la société, et surtout de leur part dans la vie. […] On parle toujours de La Bruyère et de son livre unique, immortel. […] Nobles esprits qui parlent sans doute ainsi avant de s’être mis en marche pour la riche conquête ! […] La réponse dans laquelle les avantages de l’or sont opposés aux invectives des détracteurs, réponse qui rentre dans le ton et la doctrine de la pièce précédente, n’est pas à la hauteur de cette course lyrique du milieu, sans quoi le char du poète, ou, pour parler plus exactement, des poètes, eût touché plus près du but. […] Émile de Labretonnière, membre de l’Académie de La Rochelle, dont la pièce a obtenu la première de ces mentions, a composé, sous le titre de Petit Souper, tableau de chevalet, une scène nocturne qui se passe à la Maison d’or, en carnaval, et où il introduit des originaux et des masques à demi philosophes qui parlent très spirituellement de nos vices et de nos travers.

1372. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Voici un livre dont j’aurais dû parler depuis longtemps, d’abord parce qu’il est consacré à la mémoire d’une femme qui est restée charmante et unique dans la pensée de tous ceux qui l’ont connue et qu’elle a honorés de sa bienveillance, ensuite parce que c’est le livre qui, le mieux fait pour la rappeler fidèlement aux amis qui l’ont regrettée et qui la regrettent encore, est le plus propre à donner d’elle une juste idée, une idée approchante du moins, aux générations curieuses qui n’avaient su jusqu’ici que son nom. […] Mais si elle se tait volontiers, tous ses amis parlent et viennent tour à tour lui dire ce qu’ils pensent, ce qu’elle inspire, et témoigner de leurs sentiments avec une conformité profonde, avec un accord fondamental sous la variété des tons ; c’est tout un concert autour d’elle. […] Mme Récamier était, en 1823-1824, leur confidente à tous deux ; elle entrait bien pour quelque chose dans leur jalousie, dans leur rivalité déguisée ; elle penchait d’inclination, je le crains, pour le moins sage (les meilleures même des femmes sont ainsi) ; pourtant elle savait tenir la balance assez indécise encore : chacun était écouté, chacun lui parlait de l’autre ; tout le monde était content, personne n’était trahi. Mais dans cette double confidence dont on la faisait dépositaire, de quel ton différent l’un et l’autre lui parlaient ! […] Je commence cette lettre le mercredi saint au soir, au sortir de la Chapelle Sixtine, après avoir assisté à Ténèbres et entendu chanter le Miserere, Je me souvenais que vous m’aviez parlé de cette belle cérémonie, et j’en étais, à cause de cela, cent fois plus touché.

1373. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Dans ces Mémoires, d’ailleurs, le grand Frédéric ne parle guère que de batailles, ce à quoi je n’entends rien… Ce que j’aurais voulu surtout savoir, c’est comment Frédéric menait son gouvernement, et les réflexions que ce sujet lui suggérait ; mais j’imagine qu’il dédaignait trop cette partie de sa vie pour s’appliquer à la faire comprendre au lecteur. […] Il a des diagnostics et des pronostics excellents de sagacité ; il sait tâter le pouls à son malade ; il dira le danger, il en expliquera les causes ; mais, comme beaucoup de savants médecins, il ne va pas jusqu’au remède, — je ne parle que du remède efficace, du remède possible à l’heure même. […] Rivet (23 octobre 1853), les travaux préparatoires dont je vous ai parlé… Il s’agit de savoir s’il y a maintenant quelque chose à tirer de ces matériaux qui ne sont qu’un fumier inutile si par leur moyen on ne fait pas pousser quelque plante nouvelle. […] Où Bourdaloue, qui avait vécu si longtemps en province, avait-il pu acquérir ces finesses de l’art, et, parmi les qualités plus substantielles encore que celles dont je parle, le don de choisir le mot nécessaire (il n’y en a jamais qu’un), et de vider, pour ainsi dire, la pensée de toutes les choses qu’elle contient ? […] Mais M. de Vidaillan avait, à ce qu’il paraît, dans une certaine page, parlé trop peu respectueusement de Turgot et de ce premier essai de réforme sous Louis XVI.

1374. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

J’ai voulu attendre que la question polonaise ne fût pas une question politique tout actuelle et toute brûlante, pour parler de ce volume ; car je n’en veux parler qu’historiquement et en ne sortant pas du cercle des souvenirs. […] Il ne lui parla dans leur première conversation que de son prédécesseur, M. de Bnnau, « homme d’honneur, disait-il, qui avait possédé l’estime et la bienveillance de l’Empereur. » M. de Senfft eut de la peine à pénétrer chez Mme de Talleyrand, « dont la froide sottise n’invitait pas à y retourner. » C’est ainsi qu’on parle de certaines personnes quand on écrit à l’étranger et qu’on est véridique. […] Mais il est curieux d’entrevoir l’intérieur des coulisses d’alors : l’abbé de Pradt, évidemment, causait beaucoup avec M. de Senfft, et pendant ce séjour même de Bayonne où il servait la politique de Napoléon, il la dénigrait et parlait contre dans le tête-à-tête ; l’ancien émigré, l’ancien constituant, le futur auteur de l’Ambassade de Varsovie, reparaissaient ou se révélaient en lui, et bouillonnaient, pétillaient, s’entrechoquaient pêle-mêle dans les apartés où il laissait son masque de courtisan.

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