La vanité des nations, dont chacune veut être la plus ancienne de toutes, nous ôte l’espoir de trouver les principes de la Science nouvelle dans les écrits des philologues ; la vanité des savants, qui veulent que leurs sciences favorites aient été portées à leur perfection dès le commencement du monde, nous empêche de les chercher dans les ouvrages des philosophes ; nous suivrons donc ces recherches, comme s’il n’existait point de livres. Mais dans cette nuit sombre dont est couverte à nos yeux l’antiquité la plus reculée, apparaît une lumière qui ne peut nous égarer ; je parle de cette vérité incontestable : le monde social est certainement l’ouvrage des hommes ; d’où il résulte que l’on en peut, que l’on en doit trouver les principes dans les modifications mêmes de l’intelligence humaine. Cela admis, tout homme qui réfléchit, ne s’étonnera-t-il pas que les philosophes aient entrepris sérieusement de connaître le monde de la nature que Dieu a fait et dont il s’est réservé la science, et qu’ils aient négligé de méditer sur ce monde social, que les hommes peuvent connaître, puisqu’il est leur ouvrage ? […] Puisque le monde social est l’ouvrage des hommes, examinons en quelle chose ils se sont rapportés et se rapportent toujours.
L’unique maniere de M. l’Abbé Coyer, pour traiter les sujets graves, est l’ironie, maniere toujours sûre de manquer son effet, si elle est trop continue & trop uniforme, comme dans ses Ouvrages. […] Ce n’est pas que cet Ouvrage ait le même ton de plaisanterie ; mais il n’a pas non plus celui qui convient à l’Histoire ; c’est-à-dire, l’ordre, la netteté, la dignité, & la critique. […] Il n’a changé ni de style ni de caractere dans ses Voyages d’Italie & de Hollande, celui de ses Ouvrages qui a eu le moins de succès, quoique ce soit le plus amusant.
Il faut cependant convenir qu’il a surpassé son Maître, c’est-à-dire, que, né avec plus d’esprit, ayant moins écrit, ses Ouvrages sont plus purs, plus exacts du côté du langage. […] de la Place, qui a composé aussi une Tragédie sur le même sujet, prétend que la Piece d’Otwai. est antérieure à l’Ouvrage de l’Abbé de Saint Réal. […] Nous ne parlons pas des autres Ouvrages de M. de Saint-Réal. ; en exceptant son Traité de la valeur, qui est un chef-d’œuvre de raison & de bon goût, le reste ne vaut pas mieux que son Eloge de Madame de Mazarin, composé plutôt pour la gloire de cette Dame, que pour celle de l’Ecrivain.
Parmi ses autres ouvrages en miniature, il y a une Phryné accusée d’impiété devant les aréopagites. C’est un très beau sujet traité d’une manière faible et commune, et malgré cela, je jure que l’ouvrage n’est pas tout de lui. […] Lorsque l’orateur eût écarté le voile qui couvrait sa tête, on aurait vu ses belles épaules, ses beaux bras, sa belle gorge, et par son attitude je l’aurais fait concourir à l’action de l’orateur au moment où il disait aux juges : Vous qui êtes assis comme les vengeurs des dieux offensés, voyez cette femme qu’ils se sont complu à former, et, si vous l’osez, détruisez leur plus bel ouvrage.