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371. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Un prince56 qui savait demander à la cause publique les sujets de ses propres choix, le dédommageait par son intérêt, j’allais oser dire par son amitié, d’une destitution odieuse. […] Une de ces bonnes, de ces excellentes, de ces enviables ou regrettables manières consiste (et la nature de notre versification semble y convier les rares élus) à revêtir sa pensée d’harmonie continuelle et d’élégance, à oser par moments, et par moments à se dérober, à préparer l’énergie, à voiler l’audace, à semer de grâces insensibles, de tours ingénieux, de figures heureuses et appropriées un tissu net, flexible et brillant. […] Casimir Delavigne eut aussi son Linquenda tellus, et il le rendit en des accents bien émus : Cette fenêtre était la tienne, Hirondelle, qui vins loger Bien des printemps dans ma persienne Où je n’osais te déranger ; Dès que la feuille était fanée, Tu partais la première, et moi Avant toi je pars cette année ; Mais reviendrai-je comme toi ?

372. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Il y a, si je l’ose dire, comme dans les romans de Miss Burney, une trop grande profusion de tons vagues, doux jusqu’à la mollesse, pâles et blondissants. […] En appliquant ici ce que j’ai eu l’occasion de dire quelque part ailleurs au sujet de l’auteur d’Indiana et de Valentine, chaque âme un peu fine et sensible, qui oserait écrire sans apprêt, a en elle-même la matière d’un bon roman. […] J’oserais conjecturer que cette circonstance est demeurée la plus grande affaire de sa vie, et le fond le plus inaltérable de ses rêves.

373. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Si j’osais hasarder le contraste, je nommerais encore pour terme de ressemblance un autre nom, un nom girondin aussi, mais tout plébéien, celui de Mme Roland. […] Ses souffrances physiques étaient devenues par moments atroces, insupportables ; elle les acceptait patiemment, elle s’appliquait de tout son cœur à souffrir, elle y mettait presque de la passion, si l’on ose dire, une passion dernière et sublime. […] De la lecture rapide qu’il m’a été donné de faire de l’un de ces ouvrages (Olivier), j’avais pris en note quelques pensées, notamment celles-ci : « Il y a des êtres dont on se sent séparé comme par ces murs de cristal dépeints dans les contes de fées : on se voit, on se parle, on s’approche, mais on ne peut se toucher. » « Il en est des maladies de l’âme comme de celles du corps : celles qui tuent le plus sûrement sont celles qu’on porte avec soi dans le monde ; il y a des désespoirs chroniques (si on osait le dire) qui ressemblent aux maux qu’on appelle ainsi : ils rongent, ils dévorent, ils détruisent, mais ils n’alitent pas. » « Le désaccord dans les mouvements du cœur irrite comme le désaccord en musique, mais fait bien plus de mal.

374. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

J’oserai dire que le critique n’est que le secrétaire du public, mais un secrétaire qui n’attend pas qu’on lui dicte, et qui devine, qui démêle et rédige chaque matin la pensée de tout le monde. […] Ils n’oseront se commettre jusqu’à dire : Ceci est bon, ceci est mauvais. […] Il n’ose pas tracer avec vigueur les démarcations et les étages entre les talents.

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