Élu membre de l’Assemblée constituante, il avait déserté à propos, mais avec ménagement, les opinions et les croyances ruinées, pour passer au parti de la force et de l’avenir. Il avait senti qu’un nom aristocratique et des opinions populaires étaient une double puissance qu’il fallait habilement combiner dans sa personne, afin d’imposer aux uns par son rang, aux autres par sa popularité. […] Ses opinions n’étaient souvent que ses situations ; ses vérités n’étaient que les points de vue de sa fortune. […] Mais il savait aussi que les colères du peuple sont aussi transitoires que ses faveurs, et que les réactions sont aussi régulières que les marées sur la mer des opinions françaises. […] N’est-ce pas à sa pauvreté que Mirabeau avait dû ses vices, sa vénalité, sa déchéance dans l’opinion ?
L’important serait de bien marquer les différents temps, les différents âges, et les influences diverses qu’a subies ou exercées la compagnie, les courants d’esprit qui y ont régné et par lesquels elle s’est trouvée plus ou moins exactement en rapport et en communication avec l’air et l’opinion du dehors. Ainsi, c’est une règle presque générale que l’Académie, après un temps où elle était complètement de niveau avec l’opinion littéraire extérieure et où elle en représentait les aspects les plus en vue et les plus florissants, baisse ensuite ou retarde un peu. […] Malgré le rôle brillant que l’Académie sut prendre dans la seconde moitié du xviiie siècle et qui fit d’elle un souverain organe de l’opinion, à dater surtout de l’avènement de Louis XVI jusqu’en 1788, je ne crois pas qu’elle ait tout à fait et de tout point rempli le vœu de son fondateur ; elle a fait plus et moins que ce qu’il voulait. […] Il l’aurait voulu avoir sur le Génie du christianisme le lendemain de la publication ; plus tard, sur les grandes œuvres poétiques qui ont fait schisme (je suppose toujours un Richelieu permanent et immortel) ; il aurait exigé, en un mot, que les doctes parlassent, n’attendissent pas l’arrêt du temps, mais le prévinssent, le réglassent en quelque sorte, et qu’ils donnassent leurs motifs ; qu’ils fendissent le flot de l’opinion et ne le suivissent pas.
Cet empressement visible et naïf, qui se flatte de n’être pas de l’intrigue, mais qui se marque dans un flux et reflux étrange d’opinions, dans un va-et-vient de chaque jour, ces bouffées d’homme d’État aux aguets, de candidat ministre à l’affût, qui s’exhalent à chaque page du Journal, ces fumées d’un amour-propre échauffé qui se suit à la trace et qui a plus de retours qu’il ne croit, ce sous-entendu perpétuel, qui n’en est pas un, et dont le dernier mot est : Il faut me prendre. […] Chauvelin, en juillet 1734, ce ministre lui explique comment on a été contraint de faire la guerre par l’opinion que les ennemis avaient conçue au désavantage du présent gouvernement. […] Chauvelin, ce sont les Français eux-mêmes qui avaient propagé cette opinion défavorable. […] Chauvelin) combien c’était une chose étonnante et à jamais mémorable que cette valeur française qui, contre l’opinion de tout le monde, rendait nos soldats et officiers plus braves que les vieux soldats de M. de Turenne, et d’une constance opiniâtre inconnue au caractère attribué à notre nation, dans le moment où l’on croyait qu’ils feraient très mal les premières campagnes.
A la vérité l’intérêt qu’il vous montre augmenterait, s’il était possible, l’opinion qu’on a de sa magnanimité et de sa bienfaisance, et les personnes comme vous ont des droits naturels sur une âme comme la sienne. […] « D’après l’opinion que j’en ai, Monsieur, je l’ai jugé digne d’être connu de vous, et en lui procurant cet honneur, je crois lui donner la preuve la plus marquée du cas que je fais de lui. » Hume était à Edimbourg lorsqu’il reçut cette lettre ; il crut comprendre que Rousseau était déjà arrivé à Londres, et il s’empressa d’y écrire à quelques amis pour le recommander. […] Vous êtes trop confirmé dans votre opinion, trop engagé, trop soutenu dans votre colère, pour m’écouter. […] Une vanité mal entendue, une trop haute opinion de soi-même peut seule éloigner de la société.