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900. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

L’ordre chronologique est comme une sorte de biographie de la pensée… Malheureusement cet ordre manque entièrement pour Shakespeare, ce poète moderne aussi peu connu qu’un Ancien, dont nous ne sommes séparés que par les quarante-huit heures de deux siècles, mais qui, en bien des choses, est, pour nous, aussi mystérieux que s’il était reculé et enfoncé dans l’ombre du temps. […] et Milton, avec ses yeux devenus deux trous d’ombre sous son front blanchi, est plus jeune certainement pour créer et chanter son Ève que quand l’Italienne qui passait s’arrêta pour le voir, dormant sur le gazon, plus beau, aux rayons du soleil, que l’Endymion antique aux molles lueurs de la lune, et qu’elle lui laissa les vers charmants écrits sur ses tablettes : Occhi, stelle mortali, si chiusi m’uccidite, aperti, che farete ? […] Je l’aime mieux et je le trouve plus beau jusque dans le mystère de sa vie, qui est peut-être une gracieuseté du bon Dieu ; car l’être moral que l’homme fait en soi n’est jamais si beau que l’être intellectuel que Dieu y crée, et la statue de diamant se voit mieux sur son noir piédestal d’ombres !

901. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Selon qu’on augmente ou qu’on diminue le nombre des sources de lumière, les arêtes des corps ne se détachent pas de la même manière, non plus que les ombres qu’ils projettent. […] Mais faites abstraction de vos souvenirs et de vos habitudes de langage : ce que vous avez aperçu réellement, ce n’est pas une diminution d’éclairage de la surface blanche, c’est une couche d’ombre passant sur cette surface au moment où s’éteignait la bougie. Cette ombre est une réalité pour votre conscience, comme la lumière elle-même.

902. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Il soutient plaisamment, et non sans quelque ombre de vraisemblance, que les plus folâtres sont les mieux venus auprès des dames : « Le sage sera laissé sur les livres, ou avec quelques anciennes matrones, à deviser de la dissolution des habits, des maladies qui courent, ou à démesler quelque longue généalogie. […] Mais il n’est que trois cœurs au monde qu’elle ne peut persuader ni abuser, et près desquels elle perd ses sourires : à savoir, « l’auguste Minerve, qui n’aime que les combats, les mêlées, ou les ouvrages brillants des arts, et qui enseigne aux jeunes filles, sous le toit domestique, les adresses de l’aiguille ; puis aussi la pudique Diane aux flèches d’or et au carquois résonnant, qui n’aime que la chasse sur les montagnes, les hurlements des chiens, ou les chœurs de danse et les lyres, et les bois pleins d’ombre, et le voisinage des cités où règne la justice ; et enfin la vénérable Vesta, la fille aînée de l’antique Saturne, restée la plus jeune par le décret de Jupiter, laquelle a fait vœu de virginité éternelle, et qui, à ce prix, est assise au foyer de la maison, à l’endroit le plus honoré, recevant les grasses prémices. » A part ces trois cœurs qui lui échappent, Vénus soumet tout le reste, à commencer par Jupiter, dont on sait les aventures.

903. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Je cherche et ne vois pas à ses côtés l’ombre même d’un Fénelon ; ce ne sont qu’apôtres à l’aventure. […] La seule pensée de celui-ci, son ombre, lui donnait, dès l’instant qu’elle en parlait, le vertige sacré des prêtresses ; elle prédisait à tous venants sa sortie de l’île d’Elbe et les maux qui se déchaîneraient avec lui.

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