/ 1667
433. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Avec amour, il contemple le jeu des formes, le tourbillon des énergies, le rythme des âmes, toute l’ombre des pensées éternelles. […] Voici l’ombre et le temps et j’ai touché du pied La terre du silence et de la solitude. […] Et lorsqu’on s’y promène à l’abandon, on y découvre de délicieux coins d’ombre et de mystère. […] Le public ne pouvant jamais envisager qu’une seule des faces de la personnalité d’un auteur, a choisi l’esthéticien et rejeté dans l’ombre le poète. […] L’Éternelle Fiancée est semblable à l’ombre qui nous entoure, ombre légère où nos rêves se cristallisent, où convergent nos aspirations idéales.

434. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Oui, cinq cents ans environ avant Jésus-Christ, acheva de se dessiner dans l’humanité un type de civilisation si parfait, si complet, que tout ce qui avait précédé rentra dans l’ombre. […] Edmond et Jules de Goncourt n’ont pas été plus attentifs à saisir au vol les couleurs fugaces du monde extérieur, les incessantes métamorphoses de la lumière et de l’ombre. […] Au-dessous, le cirque des dunes et des profondeurs apparaissait vaguement, tout noir dans l’ombre. […] Chères ombres, attendez patiemment dans ces jardins le temps où vous perdrez tout à fait, avec la volonté cruelle de vivre, la vie elle-même et ses misères. […] Mais, vous tous, dont les nerfs fatigués cherchent la clôture et l’ombre et dont la sensibilité frissonne au moindre choc, approchez-vous de ce poète confidentiel et vespéral.

435. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

L’abat-jour de la lampe était baissé très bas, enveloppait la chambre d’une grande ombre douce. […] Plus de trous d’ombre, plus de demi-teintes, déjà ! […] Depuis longtemps, il sentait bien qu’il possédait une ombre. […] Il est vêtu des ornements sacerdotaux, tout neigeux, tout doré, au sortir de l’ombre. […] Le réverbère dépassé, l’ombre se reforma.

436. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Mme C… L… Des mouvements lents de physionomie, des yeux paresseux, des ombres prud’honniennes mêlées à des grâces de créole, un grain de beauté que le sourire remue sans cesse. […] Et il est devenu, pour ainsi dire, l’ombre transparente du petit et maigrelet homme qu’il était autrefois : une ombre avec quelques rares bouquets de poils blancs épars sur une figure spectrale. […] Et cette ombre de comédien, ce revenant de Shakespeare, est moribond dans une chambre, meublée d’un petit lit à bateau, et d’un fauteuil auquel il manque les deux bras, entre des murs tout couverts de ses tableaux invendus, encadrés dans des boudins dorés au cuivre, avec, au milieu de la pièce, une montagne de bois de chauffage, amenée par les annonces de sa misère. […] On cause de l’espace et du temps, et j’entends la voix de Berthelot, un grand et brillant imaginateur d’hypothèses, jeter ces paroles dans la conversation générale : « Tout corps, tout mouvement exerçant une action chimique sur les corps organiques avec lesquels il s’est trouvé, une seconde, en contact, tout, — depuis que le monde est, — existe et sommeille, conservé, photographié en milliards de clichés naturels : et peut-être est-ce là, la seule marque de notre passage dans cette éternité-ci… Qui sait si, un jour, la science, avec ses progrès, ne retrouvera pas le portrait d’Alexandre sur un rocher, où se sera posée un moment son ombre ?  […] 1er décembre … Qui regarde, au Cirque, ce joli spectacle : les enfants avec leur bouche ouverte de surprise et d’attention, montrant le blanc de leurs petites dents d’en haut, les yeux grands ouverts, qui clignent, de temps en temps, de la fatigue de regarder, le front creusé de deux ombres au-dessus des sourcils par la contraction de l’attention, le haut des oreilles rouge, contre le blond d’or pâle de leurs cheveux.

/ 1667