Cette ombre s’accroît et s’épaissit tous les jours avec la rapidité d’un crépuscule des tropiques qui tombe sur le jour sans lui laisser à peine la dégradation des heures du soir. […] La lumière elle-même est malade, et l’homme en la regardant ne voit que des ombres ; il y a des taches non plus seulement sur le soleil, il y a des taches sur Dieu ! […] Adieu, ma maison blanche à l’ombre du noyer ! […] pour vous donner une ombre ? […] « Quand l’astre à l’horizon retire sa splendeur, « L’immensité de l’ombre atteste sa grandeur !
Très tardivement et très modestement aussi, au moment où il est de rite de ne parler de cet autre dieu mort qu’avec un léger sourire, il s’avoue l’un des épigones d’Hugo le Père, par qui, tout jeune, enfermé dans un collège de l’Île-de-France, ou mieux, comme il dit, « dans la cage de Loyola », il eut, impérieuse et inoubliable, la révélation de la poésie lyrique : Et soudain c’était dans nos ombres Un éblouissement pareil À celui des prisonniers sombre Qui remontent vers le soleil, Quand, frémissants, malgré le maître, Les pensums et ses quos ego. […] Le vicomte de Guerne s’est assis d’abord parmi les chevriers ; d’antiques idylles ont chanté par sa voix, à l’aube, à midi, jusqu’au soir, non qu’il niât l’ombre où se débattent les spectres de misère et de douleur, et dans les conseils À un jeune poète, il souhaite qu’en pleine joie même l’œuvre s’assombrisse : Ainsi qu’une forêt où se taisent les nids, Tandis que, secoués de frissons infinis, Plus haut que l’ouragan qui burle et se lamente, Les chênes orageux grondent dans la tourmente. Et quand descend sur lui la grande ombre, une sorte de remords le prend pour les heures dépensées inutilement ; la foule des hommes haletait de souffrance et il s’est tu : Et des peuples, maudits par des mères en larmes, Sans nombre, résignés, marchaient dans un bruit d’armes, De clameurs, de chevaux, de foudres, de remparts S’écroulant d’un seul bloc sur les gazons épars. […] cachez-moi, tombeaux, nuit, ombres vengeresses !
C’était d’abord la mère de Napoléon, Hécube de cette race, vivant à l’ombre, avec ses orgueils et ses mémoires d’aïeule, dans le palais du cardinal son frère. […] Quand nous remontâmes sur nos vigoureux petits chevaux de Corse, pour gravir le plateau rocheux qui monte aux Camaldules, la nuit en descendait à grandes ombres. […] La beauté de son mari jetait encore une ombre de plus sur elle. […] Vous souvenez-vous des impressions que vous a fait éprouver l’heure de midi, un jour de canicule, à l’ombre d’un caroubier ou d’un pan d’aqueduc romain entre les Abruzzes ? […] Un jeune et héroïque étranger, d’un grand nom, exilé comme elle de sa patrie et errant en Italie, comme elle, après l’ombre de la liberté, avait son amour.
— A-t-elle des yeux longs et fendus, qui s’ouvrent tout humides comme une large goutte de pluie d’été sur une fleur bleue dans l’ombre ? — Justement, répondais-je, avec de longs cils qui tremblent dessus comme l’ombre des feuilles du coudrier sur l’eau courante. […] dont les racines ne seront plus à nous pendant que leurs feuilles, leur ombre et leurs grappes nous serviraient encore de si bas. […] Dites adieu à votre arbre, il ne vous donnera ni ombre ce soir, ni châtaignes cet automne. […] Oserez-vous nier que le papier des juges me réserve en jouissance tout le bois, toutes les feuilles, toute l’ombre, tous les fruits de ce côté ?