Ils sont les exécuteurs des hautes œuvres de l’autorité légitime et méconnue. […] Feydeau, et nul d’entre eux n’y donne l’intérêt élevé, l’intérêt d’art ou de nature humaine que doit avoir toute œuvre qui a la prétention de vivre. Tous ces types, qu’on a vu grandioses dans des œuvres qu’il est impossible d’oublier, sont ici descendus, ravalés, brutaux, vulgaires, et d’un commun d’autant plus abominable qu’il est vrai. […] Dumas fils, auquel il ressemble plus qu’à lord Byron, et auquel il fait bien de dédier ses œuvres comme au roi des secs en littérature. […] Dans le Romuald, de M. de Custine, il y a un sermon tout entier, prêché à la fin du roman, et il ne faut pas même être catholique pour reconnaître la différence de profondeur dans l’accent qui existe entre l’œuvre d’un écrivain catholique de conscience éternelle, et celle de l’écrivain qui ne l’est que par la supposition momentanée de son esprit.
Elle répète avec complaisance que les anciens étaient des hommes, et que leurs œuvres, par conséquent, étaient imparfaites. […] La lecture de ses plus belles œuvres ? […] La représentation des plus belles œuvres dramatiques du grand poète ? […] Toute l’œuvre est gauche, et il faut ajouter qu’assez souvent elle est obscure. […] L’influence de Béranger est très sensible dans cette œuvre.
— Mais ce qui véritablement achève en lui le philosophe et le met au niveau des plus grands artistes, c’est la réunion de toutes ses œuvres en une œuvre unique. […] L’idée d’une œuvre utile, d’un but noble suffit pour vaincre les lassitudes et les répugnances. Dès qu’on se sent compris comme ouvrier dans une grande œuvre, on ne songe plus à soi, mais à l’œuvre. […] Dans Tacite, ses ruses, sa lettre à Sénèque ne sont que l’œuvre d’un écolier sophiste ; dans Racine, son adresse est celle du diplomate le mieux élevé. […] Il est sincère, énergique, actif, habile, dévoué à son œuvre, fécond en ressources, capable de patienter et d’oser.
Il prit en apparence le succès pour un dogme ; il oublia que la moralité est la première condition des actes publics ; il crut aux deux morales, la petite et la grande ; comme Mirabeau, son élève et son égal, il matérialise la politique en la réduisant à l’habileté, au lieu de la spiritualiser en l’élevant à la dignité de vertu : mais, à cette faute près, faute punie par la mauvaise odeur de son nom, il fut honnête homme ; il fut même chrétien dans sa foi et dans ses œuvres ; il fut en même temps le plus parfait artiste en ambition que le monde moderne ait jamais eu à étudier pour connaître les hommes et les choses ; son malheur fut d’être artiste, et de donner dans le même style et avec le même visage des leçons de tyrannie et des leçons de liberté. Cela dit, entrons dans ses œuvres. […] Artiste en succès, voilà le vrai nom de Machiavel : ne lui en cherchez pas un autre ; c’est bien assez pour le flétrir dans cette œuvre trop équivoque de son génie, car le succès en politique est trop souvent la récompense du crime. […] Rousseau « que Machiavel, dont on a fait le bouc émissaire de la politique, n’avait pas été compris dans le véritable esprit de ses œuvres ; que le Prince, au lieu d’être le livre des tyrans qu’il rend odieux, était en réalité le livre des républicains ; que Machiavel était un honnête homme et un bon citoyen, mais obligé de masquer sous les Médicis son amour de la liberté ». […] Malgré l’appui de l’Angleterre et de la France, le Piémont périra à l’œuvre, car il s’est donné une œuvre en disproportion avec ses forces : on rêve l’impossible, on ne l’accomplit pas.