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1414. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Quelques petites pièces latines, recueillies parmi ses œuvres poétiques, prouvent une pratique habituelle du latin81. […] Il n’y fait allusion qu’en un seul endroit, dans un dizain où il se prononce pour la doctrine orthodoxe du mérite des œuvres : La foi sans œuvre est morte et endormie. […] « L’imitation des nostres, dit-il dans la préface de la première édition de ses Odes, m’est tant odieuse, d’autant que la langue est encores en son enfance, que pour cette raison je me suis eslongné d’eux, prenant style à part, sens à part, œuvre à part, ne désirant avoir rien de commun avec une si monstrueuse erreur. » Il attaque les rimeurs, et principalement les courtisans, « qui n’admirent qu’un petit sonnet pétrarquisé ou quelque mignardise d’amour qui continue toujours en son propos ». […] Éditeur des œuvres de Ronsard.

1415. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Ainsi l’on nous habitua à considérer comme les chefs-d’œuvre de la littérature latine des œuvres retouchées et qui doivent leur forme pure et agréable à la collaboration commerciale des libraires du temps de saint Jérôme . Mais, comme cette duperie dure depuis environ quinze siècles, nous y sommes si bien asservis que si, par hasard, on retrouvait en quelque Pompéi un authentique manuscrit de Cicéron, les épigraphistes seuls en voudraient tenir compte : la majorité des humanistes continuerait à cataloguer les nuances qui donnent une suprématie incontestable de langue à des œuvres entièrement remises à neuf, vers un moment où il est convenu que la décadence de la langue latine est déjà très avancée. […] Mais dès que la littérature d’une époque se répand au point de devenir quasi universelle, la transformation de la langue tend à se ralentir, parce que les œuvres écrites dans le ton déjà connu de tous sont celles qui doivent être le mieux accueillies par le plus grand nombre des lecteurs. […] Mais il s’agit de la langue plus que de la littérature, de l’instrument et non des œuvres de l’ouvrier, et je voudrais rechercher, puisque l’occasion s’en présente119, si l’instrument est toujours bon, et si, parmi ce que M.  […] Il ne lui a vraiment manqué qu’un principe pour faire une œuvre solide et qui fût autre chose qu’un « Dites et Ne Dites pas ».

1416. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Il était né de lui-même, fils de ses œuvres, comme on a dit plus tard ; écrivain de sentiment, il tirait tout de son propre cœur. […] Les œuvres de Rousseau rappellent le Genevois, le républicain, le prolétaire, le pasteur arcadien, le philosophe aigri contre la médiocrité inique du sort, se vengeant, par des utopies, de l’inégalité forcée des conditions sociales. […] Ils ont sur lui l’avantage de voir Dieu plus clairement à travers ses œuvres, et de sentir palpiter partout l’âme de la nature. […] Malheureusement les ouvriers manquèrent à l’œuvre ; il y aurait fallu un atelier de Bacon, de Descartes, de Fénelon, de Voltaire, de Rousseau, de Montesquieu, de Franklin, de tous les hommes de littérature, de philosophie, d’arts, de sciences, de métiers réunis en un seul esprit, dont chaque membre eût été un maître de l’esprit humain. Un siècle ne fournit pas à lui tout seul, encore moins une nation, une telle collection de supériorités ; l’esprit de secte s’empara du monument, et le ravala aux proportions d’une œuvre de secte.

1417. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

La Fontaine se mit à l’œuvre avec beaucoup trop de conscience. […] Voilà, sur ce point, ce que La Fontaine va nous dire en vers véritablement remarquables : Après que les humains, œuvre de Prométhée, Furent participants du feu qu’au sein des dieux Il déroba pour nous d’une audace effrontée, Jupiter assembla les habitants des cieux. […] Il y a ceci, par exemple, ceci qui pourrait être mis en épigraphe, en tête des œuvres de La Fontaine, et l’épigraphe serait à demi menteuse comme la plupart des épigraphes, mais au moins elle répondrait à ce que La Fontaine a fait de plus beau, de plus charmant, de plus exquis. […] Voilà, évidemment, l’épigraphe même de la partie supérieure des œuvres de La Fontaine. […] Mon très lettré ami M. de Couynart me fait remarquer : 1° qu’en 1680-1685 des essais assez nombreux d’acclimatation de Shakespeare en France avaient été faits et que La Fontaine avait pu jeter les yeux sur quelque oeuvre du dramatiste anglais   2° que la tragi-comédie de Statira, tirée par Pradon de la Cassandre de La Calprenède, jouée à la fin de 1679, avait été incriminée de mélange de trivialité et de tragique, et que, du reste, Pradon en 1684 ayant, par un factum, exercé des représailles contre Boileau, La Fontaine a pu, réveillé par ce factum contre son ami, se souvenir de Statira et y faire cette allusion prolongée que nous venons de voir ; M. de Couynart penche pour la seconde de ces hypothèses  J’y pencherais aussi, sans doute ; mais d’abord en 1684 Boileau et La Fontaine, compétiteurs à l’Académie, ne devaient pas être si bien ensemble que La Fontaine voulût venger Boileau de Pradon avec un tel éclat ; ensuite Statira présente-t-elle en effet un tel mélange de haut style et de bassesses ?

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