Je répondrai donc que ces combats que livre Titus ne sont pas dignes de lui, ni dignes d’occuper la scene tragique durant cinq actes.
Peu connu du grand et du gros public, ignoré même entièrement de la foule (ce qui est un charme), apprécie seulement d’une noble et chère élite, il occupait dans la jeune école de poésie, entre Lamartine, déjà régnant, et Victor Hugo, qu’on voyait grandir, une position élevée, originale, à laquelle son épaulette, qu’il ne quitta que l’année suivante, ajoutait une distinction de plus. […] Bûchez et ses amis avaient remarqué au sein de la jeune école romantique la haute personnalité de M. de Vigny et avaient tenté de l’acquérir : il résista, mais il fut amené dès lors à s’occuper de certaines questions sociales plus qu’il ne l’avait fait jusque-là, et, quand il s’occupait une fois d’une idée, il ne s’en détachait plus aisément. […] pouvait répondre M. de Vigny à ceux qui lui opposaient un goût plus difficile ; on a lu, on a cru, on a pleuré. » Un autre problème l’occupait alors et lui tenait encore plus à cœur que celui des destinées du soldat, le problème de l’homme de lettres, du poète, et de sa situation dans la société : c’est de là que naquirent les Consultations de son Docteur noir auprès du spleenique et vaporeux Stello. […] Pendant trois séances consécutives (février 1846), l’Académie eut à s’occuper de cette affaire et de ce refus : rien n’y fit.
La première idylle, on l’entrevoit par le peu que nous avons dit, à la fois douce et grave, et composée avec art, mérite le rang qu’elle occupe en tête du recueil ; un ancien a eu raison de dire qu’elle justifie ce mot de Pindare : « A l’entrée de chaque œuvre, il faut placer une figure qui brille de loin. » Si je pouvais me donner toute carrière3, j’aurais peine à ne pas aller droit, comme la chèvre, aux parties scabreuses et, pour ainsi dire, aux endroits escarpes de Théocrite, à cette idylle quatrième, par exemple, qui semblait si peu en être une aux yeux de Fontenelle, et dont le trait le plus saillant vers la fin est une épine que l’un des interlocuteurs s’enfonce dans le pied, et que l’autre lui retire. […] A cette époque déjà on ne manquait pas (lui-même nous l’apprend) de gens de mauvaise humeur et occupés d’intérêts positifs, qui disaient que c’était bien assez pour tous d’un seul Homère. […] Nymphes de Castalie, qui occupez la hauteur du Parnasse, dites, est-ce d’un cratère de pareil vin que le vieillard Chiron fit fête autrefois à Hercule dans l’antre de Pholus ? […] Il y a une petite églogue, la neuvième, qui a fort occupé les commentateurs, et qui me paraîtrait avoir un sens assez simple, si l’on supposait que le poëte l’a écrite en revenant au genre pastoral après quelque infidélité et quelque distraction qu’il s’était permise ; un autre amour l’avait un moment séduit : c’est un retour, une sorte de réparation aux Muses bucoliques. […] Je terminerai ici avec Théocrite : cette gloire qu’il proclamait la seule durable ne l’a point trompé ; c’est, après tant de siècles, un honneur en même temps qu’un charme de l’aborder de près et de venir s’occuper de lui.
Au milieu de gens occupés à penser, il s’occupe à jouir et à souffrir. […] Le père, pour une méchante affaire, est obligé de quitter Genève (1722) : il laisse son fils, dont il ne s’occupera plus guère, à l’oncle Bernard, homme de plaisir, à la tante Bernard, dévote austère, qui mettent l’entant en pension chez le pasteur Lambercier à Bossey, près de Genève, au pied du Salève. […] Le voilà vagabondant en Savoie (1728) : un curé qui l’héberge une nuit l’adresse à Mme de Warens, une dame qui s’occupait de conversions, échappée elle-même de la Suisse et du calvinisme ; elle habitait Annecy. […] Mais, malgré ces distinctions si souvent et si fortement répétées, la mauvaise foi des gens de lettres, et la sottise de l’amour-propre, qui persuade à chacun que c’est toujours de lui qu’on s’occupe, lors même qu’on n’y pense pas, ont fait que les grandes nations ont pris pour elles ce qui n’avait pour objet que les petites républiques ; et l’on s’est obstiné à voir un promoteur de bouleversements et de troubles dans l’homme du monde qui porte un plus vrai respect aux lois et aux constitutions nationales, et qui a le plus d’aversion pour les révolutions et pour les ligueurs de toute espèce, qui la lui rendent bien.