Par d’autres côtés, ce trafic florissant appelle quelques observations.
Il y a encore une espèce de romanciers dont les leçons, moins vives peut-être parce qu’elles sont moins personnelles, font peut-être plus de profit aux lecteurs : c’est celle des hommes, aussi peu nombreux que les premiers, et d’une nature aussi privilégiée, qui assistent « à toutes les scènes de la vie humaine, et à tous les spectacles de nos passions comme des solitaires placés en observation au milieu du monde, pour retirer de l’histoire domestique des hommes des enseignements moins solennels, mais non moins instructifs que ceux de leur histoire publique ; esprits désintéressés et fins, qui ont le don de pleurer sur nos maux ou de rire de nos fautes, sans que les larmes leur obscurcissent la vue, et sans que le rire les rende secs ni insultants ; caractères paisibles, vivant à l’écart, heureux par le seul bonheur de connaître et de voir, et n’étant guère trompés que quand ils le veulent bien, par insouciance plutôt que par manque de prévision ; les premiers souvent de leur siècle par une haute intelligence, et les derniers par la place qu’ils y tiennent, soit que la société qui pose devant eux les ignore ou croie se cacher d’eux en les laissant dans l’obscurité, soit qu’eux-mêmes n’y veuillent pas prendre un rôle, pour mieux juger ceux qui s’y jouent. […] D’une autre part, quelles observations à faire sur cette société si pâle, si amoindrie, si pulvérisée, où l’on rit de ceux qui ont de l’enthousiasme, parce qu’on ne peut pas croire de bonne foi, et où l’on transige sur tout et avec tout le monde, de telle sorte qu’au lieu de vices et de vertus, il n’y a plus que des conventions sociales, et qu’au lieu de foi il n’y a plus que de l’indifférence ? […] Adieu Clarisse Harlowe, adieu René et Adolphe, admirables modèles du roman intime et du roman d’observation.
Quant à moi-même, je n’étais pas sans inquiétude, et, une fois, j’osai risquer quelques timides observations sur certains côtés peut-être un peu excessifs de notre conception. […] — chez qui l’observation est le commencement du génie, il ne pourrait pas s’astreindre à la représentation exacte de ce qu’il a observé.
Je ne comprenais pas le sens de l’ironie, mais je tenais compte de l’observation et au lieu de dire « et puis… » je disais quelquefois « et citerne ». […] Je reçus le coup sans broncher, sans me retourner, continuant à marcher, comme parfaitement étrangère à ce qui motivait cette observation, mais profondément mortifiée.