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1123. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

L’autre, n’ayant que des devoirs à remplir sans espoir et presque sans revenu…, ne peut se recruter que dans les derniers rangs de la société civile, et les parasites qui dépouillent les travailleurs affectent de les subjuguer et de les avilir de plus en plus »  « Je plains, disait Voltaire, le sort d’un curé de campagne obligé de disputer une gerbe de blé à son malheureux paroissien, de plaider contre lui, d’exiger la dîme des pois et des lentilles, de consumer sa misérable vie en querelles continuelles… Je plains encore davantage le curé à portion congrue à qui des moines, nommés gros décimateurs, osent donner un salaire de quarante ducats pour aller faire, pendant toute l’année, à deux ou trois milles de sa maison, le jour, la nuit, au soleil, à la pluie, dans les neiges, au milieu des glaces, les fonctions les plus pénibles et les plus désagréables. » — Depuis trente ans, on a tâché d’assurer et de relever un peu leur salaire ; en cas d’insuffisance, le bénéficier, collateur ou décimateur de la paroisse, doit y ajouter jusqu’à ce que le curé ait 500 livres (1768), puis 700 livres (1785), le vicaire 200 livres (1768), puis 250 (1778), et à la fin 350 (1785). […] Un Frédéric II levé à quatre heures du matin, un Napoléon qui dicte une partie de la nuit dans son bain et travaille dix-huit heures par jour, y suffiraient à peine.

1124. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Alors restituez les Gaules à ces légionnaires de César qui asservissaient vos pères, qui incendiaient tout ce qu’ils ne pouvaient pas soumettre dans vos provinces, et qui massacraient en une seule nuit, après la victoire, soixante-dix mille vaincus sous les murailles en feu de votre capitale ! […] c’est le songe d’une nuit de bivouac dans la tente d’un soldat enivré de courage, après quelque victoire remportée à côté des Français dans une heureuse campagne au pic des Alpes Rhétiennes.

1125. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Appelé par le hasard à formuler et à motiver en une seule nuit cette diplomatie, dont tous les liens et toutes les traditions venaient de se briser en un seul jour, je ne manquai pas d’évoquer en silence l’esprit de l’Assemblée constituante, qui avait toujours été l’âme de M. de Talleyrand tant que Napoléon avait souffert la sagesse dans ses conseils, et je me demandai, avant d’écrire le manifeste de la république au dehors, quel serait dans ce cabinet, plein de ses souvenirs et de sa supériorité, l’avis de ce grand héritier du cardinal de Richelieu, du duc de Choiseul et de Mirabeau. […] Au congrès de Châtillon, et le Rhin franchi par sept cent mille hommes, M. de Metternich tentait encore de négocier pour qu’on offrît des conditions plus tolérables au vaincu de Leipsick (lisez les correspondances diplomatiques entre Napoléon et ses plénipotentiaires au congrès de Châtillon ; elles sont écrites du champ de bataille ; elles varient de la nuit au jour, selon la défaite ou la victoire).

1126. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

« Plusieurs jours depuis cette nuit de chants et d’orages. […] XX Mais vous qui vivez à la campagne, soit dans le château démantelé de vos pères, non loin de l’église du village et des pauvres du hameau, soit dans la maison modeste, château nivelé de l’honnête bourgeoisie du dix-neuvième siècle, élevant là des fils, des filles, des sœurs étagées par rang d’âge dans la vie, qui vous demandent des livres à la fois intéressants et sains, où respirent dans un style enchanteur toutes les vertus que vous cherchez à nourrir dans votre jeune tribu ; vous qui, après une existence laborieuse, vous êtes retirés à moitié de la vie active dans le verger de vos pères pour y soigner les plantes naissantes destinées à vous remplacer sur la terre, et qui voulez les saturer de bonne heure de ce bon air vital plein des délicieuses senteurs de l’air ; enfin vous qui, déjà vieillis et désintéressés de votre propre existence prête à finir, voulez cependant jeter un dernier regard consolant sur les péripéties intérieures de ceux qui traversent les sentiers que vous avez traversés, afin d’y retrouver vos propres traces et de vous dire : « Voilà ce que j’ai éprouvé, pensé, senti, prié dans mes moments de tristesse ou de consolation ici-bas ; voilà la moisson en gerbes odorantes que j’emporte à l’autre vie » ; mettez à part, ou plutôt gardez jour et nuit sur votre cheminée, comme un calendrier du cœur, non pas ce livre confus où l’on a entassé pêle-mêle les œuvres du frère et de la sœur pour que le génie de l’une fit passer sur la médiocrité de l’autre, mais le volume de Mlle de Guérin, cette sainte Thérèse de la famille, qui n’a écrit que pour elle seule, et dont une amitié longtemps distraite n’a recueilli que bien tard les chefs-d’œuvre involontaires qu’elle oublia de brûler au dernier moment.

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