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837. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Quel que soit le parti qu’on prenne à l’avenir pour ces comptes rendus, et la question dût-elle être de nouveau soumise au Sénat, il n’est pas moins vrai que ce qui s’est passé précédemment a été le commentaire extérieur le plus intempestif, le plus maladroit, le plus maussade, à la loi sur la presse qui était proposée et qui allait se discuter dans le même temps. […] La presse n’est point si ingrate qu’on se le figure : les générations nouvelles nées et grandies depuis ces vingt dernières années sont amies du suffrage universel et ne sont point ennemies du Gouvernement qui en est issu. […] La pensée généreuse du chef de l’État veut supprimer les peines corporelles ; l’empereur l’avait déjà voulu, et avec une intention très-marquée, quand il s’agissait de la prison pour dettes ; il manifeste le vouloir de nouveau en matière de délits de presse ; le Prince qui, sur le trône, se souvient des jours de l’adversité sait ce que lui, homme de cœur et de pensée, a souffert dans une prison : Non ignara mali, miseris succurrere disco ; et il veut épargner cette même peine aux hommes de pensée, même à ceux qui se trompent ; et cette délicatesse de sentiment n’est pas comprise ; et à diverses reprises on s’est obstiné à réintroduire dans la loi ces peines corporelles : expulsées d’un côté, elles y rentraient de l’autre. […] On pouvait espérer qu’un des premiers effets de cette loi qui inaugure un nouveau régime pour la presse, que l’un de ses bienfaits serait de porter des capitaux dans cette direction pour la création de nouveaux et sérieux organes de grande publicité. […] Vous inscrivez cela dans la loi : c’était la loi aussi sous l’ancien régime ; mais alors, comme sous l’ancien régime aussi, gare les nouvelles à la main, gare les pasquinades comme à Rome !

838. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il en fut de même à l’époque de sa réception à l’Académie française ; j’ai lu ce discours dans lequel il loue en termes magnifiques, en commençant, le nouveau César et la nouvelle impératrice, femme, fille des Césars ; il se refusa seulement à louer le régicide ou à l’amnistier dans la personne de Chénier qu’il avait à remplacer, et à raturer quelques phrases à double sens sur Tacite. […] Son génie, cet acte et sa brochure de Bonaparte et des Bourbons le placèrent naturellement, en 1814, à la tête de ceux que le nouveau gouvernement adopta pour illustrer son retour par la popularité du premier nom religieux et poétique de l’Europe, et à la tête de ceux qui saluèrent les Bourbons. […] On oublie que des siècles ont remué ces lieux et ces peuples, et qu’il peut en sortir des peuples nouveaux à force de vieillesse, mais jamais d’anciens peuples. […] On oublie que deux mille ans ont passé, et que des millions de barbares ont été colonisés avec leurs mœurs nouvelles pendant des siècles et des siècles en Italie et en Grèce. […] XXII J’ai écrit une Médée dans ma première jeunesse ; elle est encore enfouie dans les caisses de mon grenier, où les voyageurs de la vie enferment leurs hardes usées qui n’en sortiront jamais que pour faire du vieux papier pour des hommes nouveaux.

839. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Mais à peine a-t-il retrouvé la raison, qu’il la perd de nouveau à la vue d’Hippolyte. […] Son sens supérieur discernait, entre tous ces souvenirs, ceux qui étaient, en quelque sorte, communs au monde ancien et au monde moderne, et qui devaient se mêler à toujours aux idées nouvelles. […] Malherbe immola le premier tout entier, et presque tout le second, aux nouvelles doctrines. […] C’est que cette discipline est profondément conforme à l’esprit français ; et quant à ces beautés, c’est la même conformité qui nous les fait paraître toujours nouvelles. […] Le mérite de ces poésies est donc le même qu’au temps qui les vit pour la première fois paraître : c’est d’être nouvelles.

840. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Ce qui reste c’est une certaine tendance de chaque système considéré en lui-même et de chaque système de systèmes à conserver son organisation, à la fortifier, même à l’agrandir en y employant de nouveaux éléments. […] Il me suffit d’indiquer à peu près dans quel esprit il conviendrait de les étudier, pour leur trouver des solutions approximatives et nouvelles selon les temps, les civilisations, les âges et les individus. […] Et c’est un nouveau sujet d’ironie pour les autres. […] Un être nouveau germe ainsi et grandit encore empêtré, retenu, mal dégrossi, qui comprend la complexité et l’incohérence du moi primitif, moi égoïste et moi social à la fois. […] Il saura qu’il n’y a en morale rien d’absolu, et, en adoptant cette formule banale il lui donnera un sens nouveau et plus vivant.

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