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1336. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Aujourd’hui, le « gallophobisme » de Wagner n’étant plus un thème proprement développable, on a trouvé ce grief : Wagner fut un monstre de vanité, d’outrecuidance, de prétentieuse sottise… — Le thème est riche, et, surtout, facile ; chaque jour c’en est de nouvelles variations. […] Les austères séquences du contre-point pur s’étaient retirées, devant le goût nouveau d’une Eurythmie stable, dont le schème facile semblait répondre à la direction exclusive de la musique vers l’euphonie italienne. […] Mais que l’on compare, entre elles, ces œuvres des deux époques ; que l’on mette, par exemple, la huitième symphonie, en fa majeur, devant la deuxième, en ré, et que l’on considère le monde qui de cet ouvrage plus tardif, sous des formes presque identiques, s’avance vers nous, merveilleux, pleinement nouveau ! Cet exemple de Beethoven nous fait bien voir encore l’originalité de la nature Allemande, qui a été douée de vertus si intimement profondes et si riches, qu’elle sait imprégner toute forme de son essence, en même temps qu’elle bâtit à nouveau cette forme par le dedans, sauvant ainsi de la destruction son enveloppe extérieure. […] À Paris, signalons un feuilleton documentaire du Siècle (20 avril) ; et citons : Richard Wagner ne pouvait se dispenser de dire aussi son petit mot sur ce grand inventeur de musique (Bach), qui ne lui a guère laissé à faire, en fait de nouveau, que ce qu’il ne fallait pas faire et voici ce qu’il en dit.

1337. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

On s’étonna, on s’empara, comme de beautés nouvelles, de ces situations plus ou moins simples ou convenues, mais que revêtait habituellement la noblesse, l’élégance du langage. […] Lebrun, l’un des premiers, ressentit en poésie ce besoin de nouveau, surtout de naturel, et travailla de son point de vue à le servir. […] Il en résulte qu’entre l’ancien art dramatique et le nouveau il n’y a pas eu de pont et qu’on n’a point passé. […] bien fou qui jamais n’arrête Ses vœux d’heure en heure plus grands, De biens nouveaux toujours en quête ! […] » Et Camoëns, dans son admirable cançao écrite en mer, durant une longue croisière pénible, en vue de l’Afrique et de l’Arabie, a dit : « Je demande de vos nouvelles, madame, aux vents amoureux qui soufflent de la contrée où vous habitez ; je demande aux oiseaux qui volent au-dessus de moi s’ils vous ont vue, ce que vous faisiez, ce que vous disiez ; où ?

1338. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Voilà un nouveau monde, monde infini, car chaque action visible traîne derrière soi une suite infinie de raisonnements, d’émotions, de sensations anciennes ou récentes, qui ont contribué à la soulever jusqu’à la lumière, et qui, semblables à de longues roches profondément enfoncées dans le sol, atteignent en elle leur extrémité et leur affleurement. […] Aujourd’hui, l’histoire comme la zoologie a trouvé son anatomie, et quelle que soit la branche historique à laquelle on s’attache, philologie, linguistique ou mythologie, c’est par cette voie qu’on travaille à lui faire produire de nouveaux fruits. […] Des éléments nouveaux sont venus se mêler aux éléments anciens ; de grandes forces étrangères sont venues contrarier les forces primitives. […] Ces grands ressorts donnés font peu à peu leur effet, j’entends qu’au bout de quelques siècles ils mettent la nation dans un état nouveau, religieux, littéraire, social, économique ; condition nouvelle qui, combinée avec leur effort renouvelé, produit une autre condition, tantôt bonne, tantôt mauvaise, tantôt lentement, tantôt vite, et ainsi de suite ; en sorte que l’on peut considérer le mouvement total de chaque civilisation distincte comme l’effet d’une force permanente qui, à chaque instant, varie son œuvre en modifiant les circonstances où elle agit. […] Si par exemple on admettait qu’une religion est un poëme métaphysique accompagné de croyance ; si on remarquait en outre qu’il y a certains moments, certaines races et certains milieux, où la croyance, la faculté poétique et la faculté métaphysique se déploient ensemble avec une vigueur inusitée ; si on considérait que le christianisme et le bouddhisme sont éclos à des époques de synthèses grandioses et parmi des misères semblables à l’oppression qui souleva les exaltés des Cévennes ; si d’autre part on reconnaissait que les religions primitives sont nées à l’éveil de la raison humaine, pendant la plus riche floraison de l’imagination humaine, au temps de la plus belle naïveté et de la plus grande crédulité ; si on considérait encore que le mahométisme apparut avec l’avènement de la prose poétique et la conception de l’unité nationale, chez un peuple dépourvu de science, au moment d’un soudain développement de l’esprit ; on pourrait conclure qu’une religion naît, décline, se reforme et se transforme selon que les circonstances fortifient et assemblent avec plus ou moins de justesse et d’énergie ses trois instincts générateurs, et l’on comprendrait pourquoi elle est endémique dans l’Inde, parmi des cervelles imaginatives, philosophiques, exaltées par excellence ; pourquoi elle s’épanouit si étrangement et si grandement au moyen âge, dans une société oppressive, parmi des langues et des littératures neuves ; pourquoi elle se releva au seizième siècle avec un caractère nouveau et un enthousiasme héroïque, au moment de la renaissance universelle, et à l’éveil des races germaniques ; pourquoi elle pullule en sectes bizarres dans la grossière démocratie américaine, et sous le despotisme bureaucratique de la Russie ; pourquoi enfin elle se trouve aujourd’hui répandue en Europe avec des proportions et des particularités si différentes selon les différences des races et des civilisations.

1339. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Les hommes les plus marquants par leur esprit étaient ceux qui s’attachaient davantage à la faire parler ; ils lui demandaient compte de ses lectures, lui en indiquaient de nouvelles, lui donnaient le goût de l’étude en l’entretenant de ce qu’elle savait ou de ce qu’elle ignorait. » XII Dès cette époque la partialité de monsieur Necker pour les qualités brillantes de l’esprit de sa fille, et la sévérité de madame Necker, qui voyait des dangers dans la précocité de ce génie, établirent entre le père et la fille une intimité d’esprit qui blessa la mère. […] Ignorant les fatales nouvelles de ce jour épouvantable, on la força, par un barbare silence, à contempler longtemps des traits ensanglantés qu’elle reconnaissait à peine à travers l’horreur et l’effroi. […] Depuis l’affreuse époque de la mort du roi, la reine a donné, s’il était possible, de nouvelles preuves d’amour à ses enfants. […] Le livre disserte au lieu d’émouvoir, il ne creuse pas assez profondément dans la nature de l’homme pour y découvrir des vérités nouvelles. […] Elle était en effet à cette époque la plus haute supériorité intellectuelle et sociale de Paris, elle régnait sur les salons, elle maniait les esprits, elle tenait les fils des factions les plus diverses, elle donnait le ton aux opinions, elle pouvait populariser ou dépopulariser d’un mot le nouveau gouvernement.

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