Pour moi, je préfère infiniment lire une belle partition de musique dramatique plutôt que d’assister à sa réalisation théâtrale, réalisation toujours inférieure, à mes yeux, à ce que mon imagination peut se représenter. […] Le goût du théâtre est mieux qu’une forme du goût de la littérature, c’est une forme aussi du goût de la musique, de la peinture décorative, de la danse, de l’esthétique plastique. […] … Et je sais des antimilitaristes qui suivront les retraites en musique de M. […] Si j’avais le temps d’avoir un avis sur cette question oiseuse, j’oserais soutenir cette thèse hardie que l’homme, qui veut nous faire part de ses idées ou de ses sentiments, dispose à cette heure de multiples moyens d’expression : sculpture, peinture, musique, poésie, mimique, théâtre, cinématographe, etc. […] Henri Mazel, qui écrit : « Le goût du théâtre est mieux qu’une forme du goût de la littérature, c’est une forme aussi du goût de la musique, de la peinture décorative, de la danse, de l’esthétique plastique.
Quand la terre devient noble et pure, elle se fait roman, odelette, drame, musique, symphonie et marbre. […] La peinture, la musique, l’art de la statuaire et la poésie sont soumis, comme les choses elles-mêmes, aux nécessités mécaniques de la nature. L’insubordination à l’une de ces grandes lois se révèle dans les substances par un subit cataclysme, dans la poésie par une faute de rythme, en statuaire par une déviation des courbes du marbre, en musique par une dissonance dans l’harmonie et en peinture par un manque d’ordre parmi les plans.
Une phrase harmonieuse sera celle qui peindra quelque chose par les sons : paysage, musique de la nature, faits, sentiment, pensée. […] Faites ces observations ou des observations analogues, ou contraires ; mais faites-en pour tirer tout le parti possible des écrivains qui savent écrire en musique. […] Et si vous me dites qu’à faire ainsi, l’on finit par dénaturer le poète, l’on finit par ne plus chercher en lui que le musicien et par ne plus le trouver poète quand il ne fait plus de la musique ; je vous répondrai que, quand on commence à sentir cela, on doit faire taire l’orchestre comme on éteint une lampe ; qu’on doit cesser de lire tout haut et recommencer à lire tout bas et que, de même que pour saisir l’idée et s’en pénétrer on doit d’abord lire tout bas, de même, après avoir assez longtemps lu tout haut, on doit revenir à la lecture intime pour retrouver devant soi l’homme qui pense.
Après avoir soigneusement distingué de la musique indépendante la musique d’accompagnement 20, Hegel définit en ces termes le rôle de la dernière : « De ce qui a été dit précédemment sur la position respective du texte et de la musique, se déduit immédiatement cette règle que, dans le premier domaine, l’expression musicale doit se lier bien plus étroitement au sujet déterminé que là où la musique peut s’abandonner librement à ses propres mouvements et à ses inspirations. […] Nous n’avons plus cette liberté de sentir et de goûter ceci ou cela dans un morceau de musique, d’être ému de telle ou telle manière, selon nos dispositions personnelles. […] D’un autre côté, la musique ne doit pas cependant non plus, comme cela est passé en mode chez la plupart des nouveaux compositeurs italiens, vouloir s’émanciper presque complètement de la pensée du texte, le secouer comme une chaîne, et par là se rapprocher tout à fait du caractère de la musique indépendante. […] Une telle tendance n’est d’ailleurs pas exclusive à la musique : la poésie aussi, dans ses tâtonnements de l’heure actuelle, semble cherchera se débarrasser d’une indépendance qui la gêne : avec Théophile Gautier et les parnassiens, elle vise à la peinture ; à la science avec Sully-Prudhomme ; à la musique avec MM. […] La poésie, art concret, cherchera à se rapprocher de l’abstraction autant qu’elle le pourra sans méconnaître sa nature, et la musique, art abstrait, devra se préciser autant que possible.