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1096. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je ne prendrai pas pour exemple, dans ce volume même, tout ce qui tient au blocus continental et à ces questions de douanes qu’il fait suffisamment comprendre, à la seule condition d’y donner tout leur développement : mais si l’on s’attache à cette expédition de Masséna en Portugal, expédition ingrate s’il en fut, pleine de mécomptes, où tout avorte, où les combats acharnés restent indécis, où personne n’a d’illusions, et où, si peu qu’on en ait, le résultat trouve encore moyen de tromper un reste d’espérance ; si l’on suit cette expédition dans l’Histoire de M.  […] Chacun, s’il se laisse aller, parle bien ou assez bien de ce qu’il sait à fond, de ce qu’il a vu, de ce qu’il a compris en détail ; et s’il, laisse courir sa plume avec naturel, il trouve moyen d’intéresser.

1097. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Le spirituel jésuite Tournemine disait que l’abbé de Marolles méritait qu’on, lui pardonnât, en faveur de cet unique volume de mémoires, l’ennui mortel qu’il avait causé au public, et l’impatience qu’il avait donnée aux savants, par ses rhapsodies indigestes durant l’espace de soixante ans ; il lui appliquait, en riant, ce que Lucain, l’ampoulé flatteur, au commencement de sa Pharsale, a dit de Néron, que Rome ne l’avait pas payé trop cher, en définitive, au prix même de toutes les guerres civiles antérieures, s’il n’y avait pas d’autre moyen de l’obtenir : « Scetera ipsa… hac mercede placent ». […] Taschereau, et sans ce secours unique, sans l’ensemble de notes manuscrites qui y sont jointes, je n’aurais pas eu le moyen, je l’avoue, de me faire une juste idée de Marolles, de l’œuvre de Marolles, si l’οn peut employer le mot sans rire ; je n’en aurais pu parler tout à fait pertinemment.

1098. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Pour écrire des lettres excellentes et durables en tant que pièces littéraires, je ne sais que deux manières et deux moyens : avoir un génie vif, éveillé, prompt, à bride abattue, et de tous les instants, comme Mme de Sévigné, comme Voltaire ; ou se donner du temps et prendre du soin, écrire à main reposée, comme Pline, Bussy, Rousseau, Paul-Louis Courier : — en deux mots, improviser ou composer. […] Votre édifice est fait et superbe, votre monument est debout ; à quoi bon laisser à d’insatiables neveux les moyens d’en refaire un jour industrieusement l’échafaudage et de masquer de nouveau la façade ?

1099. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

L’ouvrage est agréable à lire, ingénieux et mesuré, tenant la moyenne entre les théories extrêmes, assaisonné d’ironie, et avec une veine bien ménagée d’affection. […] Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique.

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