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3446. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

On ne sauroit croire combien cette opinion est commune, & combien on la soupçonne peu d’être fausse : elle a même surpris la sagacité de cet illustre écrivain, que la mort vient d’enlever à l’Encyclopédie ; ce grammairien créateur à qui nous avons eu la témérité de succéder, sans jamais oser nous flater de pouvoir le remplacer ; ce philosophe exact & profond qui a porté la lumiere sur tous les objets qu’il a traités, & dont les vûes répandues abondamment dans les parties qu’il a achevées, feront le principal mérite de celles que nous avons à remplir ; en un mot M. du Marsais lui-même paroît n’avoir pas été assez en garde contre l’impression de ce préjugé. […] Nous avons dans notre langue des mots qui viennent immédiatement d’un génitif latin ; tels sont capitaine, capitation, qui sont dérivés de capitis ; tels encore les monosyllabes art, mort, part, sort, &c. qui viennent des génitifs art-is, mort-is, part-is, sort-is, dont on a seulement supprimé la terminaison latine. De-là les dérivés simples : de capitaine, capitainerie ; d’art, artiste, artistement ; de mort, mortel, mortellement, mortalité, mortuaire ; de part, partie, partiel ; de sort, sorte, sortable, &c. […] Et cum frigida mors animâ seduxerit artus ; après que la froide mort aura séparé de mon ame les membres de mon corps ; il est plus ordinaire de dire, aura séparé mon ame de mon corps ; le corps demeure, & l’ame le quitte : ainsi Servius & les autres commentateurs trouvent une hypallage dans ces paroles de Virgile. […] Elle a donc dû dire, lorsque la mort aura séparé mon corps de mon ame, c’est-à-dire, lorsque mon ame sera dégagée des liens de mon corps.

3447. (1903) La pensée et le mouvant

Plus d’états inertes, plus de choses mortes ; rien que la mobilité dont est faite la stabilité de la vie. […] Car le monde où nos sens et notre conscience nous introduisent habituellement n’est plus que l’ombre de lui-même ; et il est froid comme la mort. […] Non plus l’éternité conceptuelle, qui est une éternité de mort, mais une éternité de vie. […] Et comme s’il n’eût pas assez fait, il rêvait encore, en s’endormant de son dernier sommeil, il rêvait d’expériences extraordinaires et d’efforts plus qu’humains par lesquels il pût continuer, jusque par-delà la mort, à travailler avec nous pour le plus grand bien de la science, pour la plus grande gloire de la vérité. […] Elle n’explique plus le vivant par le mort, mais, voyant partout la vie, c’est par leur aspiration à une forme de vie plus haute qu’elle définit les formes les plus élémentaires.

3448. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

L’animal prend son point d’appui sur la plante, l’homme chevauche sur l’animalité, et l’humanité entière, dans l’espace et dans le temps, est une immense armée qui galope à côté de chacun de nous, en avant et en arrière de nous, dans une charge entraînante capable de culbuter toutes les résistances et de franchir bien des obstacles, même peut-être la mort. […] André Lalande nous montre toutes choses marchant à la mort, en dépit de la résistance momentanée que paraissent opposer les organismes. — Mais, même du côté de la matière inorganisée, avons-nous le droit d’étendre à l’univers entier des considérations tirées de l’état présent de notre système solaire ? […] D’autre part, dans le monde organisé, la mort des individus n’apparaît pas du tout comme une diminution de la vie en général, ou comme une nécessité que celle-ci subirait à regret. […] Tout se passe comme si cette mort avait été voulue, ou tout au moins acceptée, pour le plus grand progrès de la vie en général.

3449. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Que l’on combatte à mort un parti qui a été puissant, cela se comprend encore. […] Tout compte fait, je dis toujours à ne le considérer qu’au point de vue religieux, il a été cause de la mort de Robespierre, et c’est tout ce qu’il a fait à cet égard. […] Peuples mauvais et qui ont un germe de mort : d’une part, ceux qui n’ont qu’une façon de penser et qui, par conséquent, ne pensent point ; d’autre part, ceux dans lesquels des groupes considérables préfèrent leur façon de penser à la patrie. […] C’étaient « les morts qui parlaient » par la bouche de leurs arrière-neveux. […] Tant qu’elles ne sont pas mortes, en les tuant on les ressuscite.

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