On ne sauroit croire combien cette opinion est commune, & combien on la soupçonne peu d’être fausse : elle a même surpris la sagacité de cet illustre écrivain, que la mort vient d’enlever à l’Encyclopédie ; ce grammairien créateur à qui nous avons eu la témérité de succéder, sans jamais oser nous flater de pouvoir le remplacer ; ce philosophe exact & profond qui a porté la lumiere sur tous les objets qu’il a traités, & dont les vûes répandues abondamment dans les parties qu’il a achevées, feront le principal mérite de celles que nous avons à remplir ; en un mot M. du Marsais lui-même paroît n’avoir pas été assez en garde contre l’impression de ce préjugé. […] Nous avons dans notre langue des mots qui viennent immédiatement d’un génitif latin ; tels sont capitaine, capitation, qui sont dérivés de capitis ; tels encore les monosyllabes art, mort, part, sort, &c. qui viennent des génitifs art-is, mort-is, part-is, sort-is, dont on a seulement supprimé la terminaison latine. De-là les dérivés simples : de capitaine, capitainerie ; d’art, artiste, artistement ; de mort, mortel, mortellement, mortalité, mortuaire ; de part, partie, partiel ; de sort, sorte, sortable, &c. […] Et cum frigida mors animâ seduxerit artus ; après que la froide mort aura séparé de mon ame les membres de mon corps ; il est plus ordinaire de dire, aura séparé mon ame de mon corps ; le corps demeure, & l’ame le quitte : ainsi Servius & les autres commentateurs trouvent une hypallage dans ces paroles de Virgile. […] Elle a donc dû dire, lorsque la mort aura séparé mon corps de mon ame, c’est-à-dire, lorsque mon ame sera dégagée des liens de mon corps.
Plus d’états inertes, plus de choses mortes ; rien que la mobilité dont est faite la stabilité de la vie. […] Car le monde où nos sens et notre conscience nous introduisent habituellement n’est plus que l’ombre de lui-même ; et il est froid comme la mort. […] Non plus l’éternité conceptuelle, qui est une éternité de mort, mais une éternité de vie. […] Et comme s’il n’eût pas assez fait, il rêvait encore, en s’endormant de son dernier sommeil, il rêvait d’expériences extraordinaires et d’efforts plus qu’humains par lesquels il pût continuer, jusque par-delà la mort, à travailler avec nous pour le plus grand bien de la science, pour la plus grande gloire de la vérité. […] Elle n’explique plus le vivant par le mort, mais, voyant partout la vie, c’est par leur aspiration à une forme de vie plus haute qu’elle définit les formes les plus élémentaires.
L’animal prend son point d’appui sur la plante, l’homme chevauche sur l’animalité, et l’humanité entière, dans l’espace et dans le temps, est une immense armée qui galope à côté de chacun de nous, en avant et en arrière de nous, dans une charge entraînante capable de culbuter toutes les résistances et de franchir bien des obstacles, même peut-être la mort. […] André Lalande nous montre toutes choses marchant à la mort, en dépit de la résistance momentanée que paraissent opposer les organismes. — Mais, même du côté de la matière inorganisée, avons-nous le droit d’étendre à l’univers entier des considérations tirées de l’état présent de notre système solaire ? […] D’autre part, dans le monde organisé, la mort des individus n’apparaît pas du tout comme une diminution de la vie en général, ou comme une nécessité que celle-ci subirait à regret. […] Tout se passe comme si cette mort avait été voulue, ou tout au moins acceptée, pour le plus grand progrès de la vie en général.
Que l’on combatte à mort un parti qui a été puissant, cela se comprend encore. […] Tout compte fait, je dis toujours à ne le considérer qu’au point de vue religieux, il a été cause de la mort de Robespierre, et c’est tout ce qu’il a fait à cet égard. […] Peuples mauvais et qui ont un germe de mort : d’une part, ceux qui n’ont qu’une façon de penser et qui, par conséquent, ne pensent point ; d’autre part, ceux dans lesquels des groupes considérables préfèrent leur façon de penser à la patrie. […] C’étaient « les morts qui parlaient » par la bouche de leurs arrière-neveux. […] Tant qu’elles ne sont pas mortes, en les tuant on les ressuscite.