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1472. (1914) Une année de critique

Elle se donnait alors un ton plus maternel, et un air de vieillesse désabusée. « Mon cœur est mort, disait-elle, mon pauvre petit !  […] Il lui semblait avoir vécu cent existences, et en traîner le fardeau mort. […] Jamais encore on n’avait peint un tableau si vrai de la vie parisienne depuis la mort du roi jusqu’à la réaction thermidorienne. […] Il est naturel que, pour ne pas souiller la belle image, elle l’emporte avec soi dans la mort. […] Il a compris que la « pitié, c’est la mort ».

1473. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Mais, en projetant de faire tout le bien possible, je ne projetai point de le faire encore après ma mort. […] Elle fut la consolation de Mme de Maintenon et sa plus sûre héritière ; elle et Mme du Peyrou maintinrent l’esprit d’exactitude et de régularité en même temps que la politesse et les nobles manières de la fondatrice, jusque bien après sa mort. […] Plusieurs des Dames de Saint-Cyr étant mortes en ces années, il est dit de l’une d’elles (Mme d’Assy) dans les Mémoires de Saint-Cyr, en des termes légers et charmants : C’était un esprit doux et bien fait, un bon naturel qui n’avait que de bonnes inclinations ; l’innocence et la candeur étaient peintes sur son visage, qui, jointes à sa beauté naturelle, la rendaient tout aimable. […] À l’origine, cela promettait plus, et il y a telle de ces Dames (Mme de Champigny) à qui Mme de Maintenon pouvait écrire : « Je n’ai jamais rien vu de si bon, de si aimable, de si net, de si bien arrangé, de si éloquent, de si régulier, en un mot de si merveilleux, que votre lettre… » À la mort de Louis XIV, et dans le brusque contraste avec des temps si nouveaux, Saint-Cyr passa presque en un instant à l’état d’antiquité et de relique royale.

1474. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Le canal qui avait quelque temps arrêté l’année ayant été traversé à gué, le comte d’Artois, frère du roi, plein de vaillance, se porta en avant, renversant tout ce qu’il rencontrait ; et, entraînant avec lui par émulation l’élite des chevaliers du Temple et nombre de braves seigneurs, il se lança jusque dans la ville de la Massoure où la résistance l’attendait et où il trouva la mort. […] À ce petit pont que Joinville défendait si bien, il en vit passer, et bien des gens de grand air, qui s’enfuyaient effréement, « lesquels je nommerais bien, dit-il ; mais je m’en tairai, car ils sont morts ». […] La famine, la contagion s’en mêlent ; on n’a plus à enregistrer que des maladies et des morts. […] Quelle plus douce et plus angélique manière d’exprimer une sainte mort !

1475. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Les amis de son père n’eurent rien de plus pressé que de la servir ; elle vint habiter à Paris l’année qui suivit sa mort, et le docte Huet, sous-précepteur du Dauphin, lui donna une part et une tâche à remplir dans les éditions d’anciens auteurs qui se faisaient ad usum Delphini : Si je m’en souviens bien, dit Bayle, Mlle Le Fèvre surpassa tous les autres en diligence et gagna le pas à je ne sais combien d’hommes qui tendaient au même but. […] Cependant, comme il avait peu de fortune, il dut modérer ses désirs, et ce ne fut que onze ans après la mort du maître qu’il put contracter avec la fille une union à laquelle il avait toujours songé. […] Elle dira par la bouche d’un héros insultant un autre héros : « Tu crois voir partout la mort à tes trousses. » Tout cela n’empêche pas Mme Dacier d’être encore aujourd’hui peut-être, pour l’ensemble, le traducteur qui donne le plus l’idée de son Homère. […] Il nous restait une fille très aimable, qui était toute notre consolation, qui avait parfaitement répondu à nos soins et rempli nos vœux, qui était ornée de toutes les vertus, et qui, par la vivacité, l’étendue et la solidité de son esprit, et par les talents les plus agréables, rendait délicieux tous les moments de notre vie ; la mort vient de nous la ravir.

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