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1309. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

J’ai employé le mot caractère au singulier, car Cavor est le seul qu’il y ait dans le roman, et singulièrement attirant parce qu’il appartient à la lignée morale de Robinson. […] Il semblerait qu’avec la vie intellectuelle et morale si originale, si indépendante et si forte qu’a menée George Eliot un tel livre dût offrir un intérêt de premier ordre. […] Une maternité morale dont l’effet ressemble à celui d’une saine maternité physique. […] Seillière rapproche la morale virile de celle des sociétés antiques. […] En matière morale un romancier peut avoir ses personnages au-dessus de lui ; et Taine estime même que, toutes choses égales d’ailleurs, un romancier qui les a au-dessus de lui est supérieur à un romancier qui les prend au-dessous.

1310. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Sous prétexte d’analyse, de psychologie, de morale, de saine littérature, ils s’installent dans les œuvres d’autrui, à peu près comme des soldats envahisseurs dans un pays qu’ils ont ravagé et conquis. […] Ce n’est pas ce qu’on appelle une nation, c’est tout au plus une espèce zoologique, assez curieuse en soi, totalement dépourvue de conscience et de responsabilité morale, et douée du dangereux instinct de l’imitation. […] On protesta au nom du bon goût, de la morale et de la vérité. […] Les grands sentiments — il paraît que ce sont de grands sentiments — ont beaucoup perdu de leur prestige ancien, et même de leur signification morale. […] Comme elles s’agitent dans leur intime atmosphère morale, comme elles vivent !

1311. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

De ces deux choses sort une conclusion morale, essentielle à la noblesse de la fiction tragique. […] Il en est de même des quatre espèces de tragédies qu’il distingue ; la simple, l’implexe, la pathétique, et la morale. […] Sa morale touche immédiatement nos conditions et nos esprits. […] Aristote leur attribue quatre qualités principales : il distingue la tragédie, en simple, en implexe, en pathétique, et en morale. […] On sait qu’il n’en est pas de même de la morale.

1312. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Ses Lettres participent de la manière de tous deux ; il a beaucoup plus de finesse d’esprit et plus d’observation morale que Balzac ; il sait par moments le monde tout autant que Voiture ; son analyse est des plus nuancées ; mais sa déduction est lente, sans légèreté, sans enjouement. […] Lui qui nous parle si souvent de Pétrone et de César, ces honnêtes gens de l’antiquité, il ne s’est peut-être jamais posé, dans toute sa portée morale, la question délicate et périlleuse : « A quel prix le goût se perfectionne-t-il ? […] Que le goût ne soit pas la même chose que la morale, nous le savons à merveille ; mais est-il possible qu’il s’en sépare à ce point, et que la perfection de l’un se rencontre dans la ruine et la perversion de l’autre ? […] Mais les faux honnêtes gens, aussi bien que les faux dévots, ne cherchent que l’apparence, et je crois que, dans la morale, Sénèque étoit un hypocrite et qu’Épicure étoit un saint.

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