Lus aujourd’hui, ils plaisent encore ; ils montrent surtout combien le goût public a changé, et comment on demande moins souvent qu’autrefois aux auteurs de ces vers qu’on appelait spirituels. […] Tout ce livre, d’une teinte morale sombre, est comme une suite d’élancements mystiques, bibliques, patriotiques, humains et fraternels : il a l’inconvénient de ressembler plus d’une fois à de la prédication en vers ; mais, par son esprit et par son ardeur, il suffirait à montrer combien Cowper s’élève au-dessus de l’ordre des poètes descriptifs et pittoresques proprement dits. […] Si vaste et rapide est le coup d’œil de l’esprit, qu’en peu de moments je me retrace (comme sur une carte le voyageur, les pays parcourus) tous les détours de mon chemin à travers maintes années… Il poursuit de la sorte, et, par une association insensible, il arrive à se retracer quelques circonstances émouvantes de son passé ; une allusion directe nous ramène à la perte de son père, dont il se reproche de n’avoir pas assez apprécié l’amitié sous sa forme un peu sévère : « Un ami est parti, peut-être le meilleur ami de son fils, un père dont l’autorité, même quand elle se montrait en apparence le plus sévère et qu’elle rassemblait toute sa force, n’était que la contenance plus grave de la tendresse… » Puis tout d’un coup, et sans autre transition, il se met à tracer cet exquis et mémorable tableau qui a donné son titre au sixième livre, La Promenade d’hiver à midi. […] Les Flamands ont trouvé leur égal en poésie : La nuit, l’hiver s’était montré dans son humeur la plus rude ; le matin avait été piquant et clair : mais maintenant à midi, au sud des collines en pente, et où les bois font un abri contre le vent du nord, la saison sourit, oubliant toutes ses colères, et elle a la tiédeur de mai.
Cet avant-dernier du nom se montrait bien en tout le digne héritier de sa race. […] Mais il y a mieux : un voyageur instruit et digne d’estime, Dutens, qui était allé à Véretz chez le duc et la duchesse d’Aiguillon, et qui, lorsqu’il était à Paris, était de la société du prince de Conti et du Temple, a raconté le fait pour en avoir été informé par des personnes de la maison : « Le jeune prince, dit-il, avait alors de treize à quatorze ans et montrait beaucoup d’inclination pour la chasse ; il avait enfin obtenu qu’il aurait un fusil, avec lequel il se préparait au coup d’essai qu’il devait faire le lendemain. […] Un autre tableau, placé près du premier, nous la montrerait encore en plein règne, à l’Ile-Adam, à cheval sur le devant de la scène, en amazone, pendant une chasse au cerf, au milieu d’un grand nombre de gentilshommes et de dames à cheval également. […] Hume a désormais à consoler son amie, et, pour y mieux réussir, dans une lettre nouvelle du 10 décembre, il remet en ordre et par écrit, à tête reposée, tout ce qu’il a dû dire de vive voix déjà dans l’intervalle ; il commence par récapituler et analyser la situation, voulant bien montrer qu’il la comprend tout entière dans ce qu’elle a de pénible, de douloureux, de poignant : c’est afin de donner plus d’autorité ensuite à son conseil.
Si l’archevêque montra qu’il était homme d’esprit en établissant ces Conférences, il ne le montra pas moins en les terminant à temps et en ne souffrant pas qu’elles fussent mises ensuite par écrit. […] Le triomphe si bien ménagé de M. de Harlay en cette circonstance achève de nous le montrer dans tout son beau, j’allais dire dans tout son plein ; et, après tant de témoignages déjà produits, je ne saurais mieux le définir encore qu’avec les excellentes paroles de d’Olivet, qui cette fois (chose unique dans sa vie de grammairien et d’écrivain correct) a eu un ou deux traits de pinceau : « Personne ne reçut de la nature un plus merveilleux talent pour l’éloquence. […] On peut, entre autres passages de cette singulière oraison funèbre, citer le suivant, pour montrer à quel point l’opinion était alors défavorable à M. de Harlay, et quelle clameur publique il y avait à surmonter et à combattre lorsqu’on en venait à toucher l’article de ses mœurs : « Quand du côté de la paix et de la vérité, disait l’orateur, il n’aurait rien eu à se reprocher, est-il pour cela entièrement justifié ?
J’ai déjà montré Montaigne en voyage45 ; on va le voir ici dans l’exercice d’une magistrature publique. […] La seconde période devint moins facile ; l’agitation politique s’y mêla aux soins des intérêts de la ville. » Ce fut durant cette seconde mairie que Montaigne plus exposé montra à un moment beaucoup de zèle, bien de l’habileté et de l’activité, et aussi, vers la fin, quelque faiblesse ou du moins quelque lassitude. […] Des lettres de Du Plessis-Mornay à Montaigne, d’une date antérieure à 1585, mais écrites dans le même temps de cette mairie de Bordeaux, nous montrent combien, du côté du roi de Navarre, on se fiait en lui à titre de caractère modéré et conciliant, et nous prouvent qu’on aimait en toute circonstance à le prendre pour témoin et garant des intentions, comme quelqu’un qui, « en sa tranquillité d’esprit, n’était ni remuant ni remue pour peu de chose. ». […] Plusieurs, parmi les magistrats municipaux, hésitaient à y paraître ; Montaigne donna le conseil très sage de ne témoigner aucune crainte, « de se mêler parmi les files, la tête droite et le visage ouvert », de demander même aux capitaines de faire faire à leur monde « les salves les plus belles et les plus gaillardes qu’il se pourrait en l’honneur des assistants, et de n’épargner la poudre. » La prudence ici consistait à se montrer hardiment.