Ratisbonne, achevée en ce moment. […] ” Et le poète à moi : “Observe”, me répondit-il, “le moment où elles vont passer le plus près de toi, et alors prie-les au nom de cet amour qui les entraîne encore réunies l’une à l’autre ; elles ne résisteront pas à un tel appel, elles viendront à toi ! […] « “De ce que tu sembles désirer entendre nous sommes prêtes à parler avec toi, pendant que ce vent, un moment immobile, fait silence autour de nous comme à présent.” […] « À l’heure où, près du matin, l’hirondelle commence à gazouiller ses tristes lais, peut-être en souvenir de ses premiers malheurs, heure pendant laquelle notre âme errante pleure dégagée du corps, et, plus reprise par la pensée pour ses visions, est presque élevée à sa nature divine, — je vis en songe un aigle aux ailes d’or, etc. » On retombe bientôt dans les ténèbres d’un texte obscur et incohérent, où brillent, par moments, quelques vers de diamant comme ceux-ci : « Orgueilleux chrétiens ! […] Pascal n’est pas plus profond, Bossuet n’est pas plus saillant, Platon n’est pas plus éthéré, Homère n’est pas plus resplendissant, Virgile n’est pas plus sonore, Théocrite n’est pas plus gracieux, Pétrarque n’est pas plus féminin, Eschyle n’est pas plus tragique ; mais tout cela par moment, par pages, par demi-pages, par filons d’or ou de diamants, dans une mine de sable, de scories, et quelquefois de fange.
Si quelques personnes viennent me rendre visite, je ne les vois qu’un moment, je parle de la pluie et du beau temps ou bien des nouvelles du jour, et je me réfugie ensuite dans ma retraite. […] La table sur laquelle elle écrivait d’habitude était un bureau un peu exhaussé, de telle sorte que, sans se déranger, elle pouvait, dans les moments de pause, suivre le jeu d’un des joueurs à l’une ou à l’autre des tables qui étaient de chaque côté : C’était là son occupation lorsqu’elle n’écrivait point ; mais, aussitôt que quelqu’un entrait et s’approchait d’elle pour la saluer, elle quittait tout pour demander : Quelle nouvelle ? […] À mesure qu’on avance, et tandis que la délicatesse et la pureté des manières ou du langage se retirent de plus en plus dans le coin de Mme de Maintenon et vont par moments chercher un refuge à Saint-Cyr, Madame se tient à part à Saint-Cloud, puis encore à part au Palais-Royal, et de là, soit sur la fin de Louis XIV, soit sous la Régence, elle fait, la lance en arrêt, la plume sur l’oreille, de fréquentes et vaillantes sorties dans ce style brusque qui est à elle, qui a de la barbe au menton, de qui l’on ne sait trop, quand on l’a traduit de l’allemand en français, s’il tient de Luther ou de Rabelais, et qui en tout est certainement l’opposé de la langue des Caylus.
Il y a des moments de réconciliation et d’accord où il semble que tout soit effacé ; Henri, qui a besoin de consolation et de douceur en ses peines politiques, voudrait croire à la durée de ces bons instants : Mon cœur, je suis plus homme de bien que ne pensez. […] Un Octave qui est un politique tout fait dès vingt ans, et qui sait dès cet âge tout ce qu’il faut penser des hommes en certaines époques, jusqu’où on peut les pousser et comment oser les conduire, court risque par moments d’être un prodige ou même un monstre. […] Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591).
Et vous, Fontenelle, ou monsieur de La Rochefoucauld, en ce moment, n’approchez pas ! […] Au moment le plus grave du premier empire assyrien ou de l’ère de Nabonassar, il grasseye tout d’un coup en prononçant certains mots que tout à l’heure il prononçait bien. […] M. de La Rochefoucauld, parlant ou écrivant des choses de la vie, se souvenant des choses du cœur et de ce monde des femmes qu’il connaissait si bien, n’aurait jamais fait, comme Ménage éloquent ou comme le philosophe amoureux ; il ne se serait point écrié tout d’abord avec emphase : « Nous sommes parvenu à découvrir toute une littérature féminine, aux trois quarts inconnue, qui ne nous semble pas indigne d’avoir une place à côté de la littérature virile en possession de l’admiration universelle. » Sans compter qu’il n’est pas honnête de prétendre avoir découvert ce que beaucoup d’autres savaient et disaient déjà, cela n’est pas de bon goût d’emboucher ainsi la trompette à tout moment et de proclamer sa propre gloire en si tendre sujet.