Précieuses et pédantes [Paul Adam] Il y a l’encyclopédie Roret, il y a l’encyclopédie Zola, il y a l’encyclopédie Paul Adam… Zola a mis en romans lourdement longs tout le mécanisme moderne. […] Ces industriels volent des modèles d’idées partout où il y en a ; mais ils en font de très petites réductions qui puissent tenir dans le petit appartement moderne qu’est leur cerveau et dont le poids ne fasse pas crouler le volume, tablette quelquefois élégante, toujours encombrée. […] Selon sa coutume, le métier, cet horrible traître de tous les drames modernes, étrangle l’art lâchement avec des milliers de ficelles. […] D’ailleurs Jehan Rictus, quelques années auparavant, avait par un piquant « soliloque » jeté un christ ahuri dans notre société moderne.
Guizot est un des hommes de ce temps-ci qui, de bonne heure et en toute rencontre, ont le plus travaillé, le plus écrit, et sur toutes sortes de sujets, un de ceux dont l’instruction est le plus diverse et le plus vaste, qui savent le plus de langues anciennes et modernes, le plus de belles-lettres, et pourtant ce n’est pas un littérateur proprement dit, dans le sens exact où se définit pour moi ce mot. […] Mais l’histoire moderne offre plus de résistance. […] Dans son Histoire de la civilisation en Europe, quand il arrive au xvie siècle, c’est alors seulement qu’il se fait quelques objections sur les inconvénients des généralisations précipitées : c’est qu’alors aussi ces objections s’élèvent d’elles-mêmes de toutes parts, et nous rentrons dans l’atmosphère orageuse et variable des temps modernes et présents. […] Chez les historiens modernes, qui se sont élevés à des considérations générales et toutes raisonnées, la Providence intervient seulement par endroits et, si l’on peut dire, dans les grands moments.
Aussi, dans ces armées qui portent à travers l’Europe nos idées et des germes féconds jusqu’au sein du désordre, il ne voit, lui, que le désordre même ; et, quand sa moderne patrie est aux prises avec l’antique, il n’hésite pas, c’est la patrie antique qu’il préfère et qu’il venge. […] Chlewaski qui lui avait demandé ce que c’était que le livre des Voyages d’Anténor, Courier répond que c’est une sotte imitation d’Anacharsis, c’est-à-dire d’un ouvrage médiocrement écrit et médiocrement savant, soit dit entre nous : Je crois, ajoute-t-il, que tous les livres de ce genre, moitié histoire et moitié roman, où les mœurs modernes se trouvent mêlées avec les anciennes, font tort aux unes et aux autres, donnent de tout des idées fausses, et choquent également le goût et l’érudition. […] Mais, pour peindre, il en revient encore aux anciens ; il voudrait, comme André Chénier, traiter un sujet moderne dans le goût antique ; et pour cela il ne faut pas que le sujet soit trop considérable ni très compliqué. […] En traduisant dès lors le fragment inédit, en l’assortissant et en le joignant à la version d’Amyot qu’il publia après l’avoir corrigée en beaucoup de points (Florence, 1810), Courier entrait comme par occasion dans cet essai de style un peu vieilli, à la gauloise, qu’il s’appropriera désormais, qu’il appliquera à d’autres traductions et même à des sujets tout modernes, et qu’il fera plus tard servir à son personnage politique de paysan tourangeau.
Et notez que, connaisseur des Anciens comme personne et versé dans toute religion classique, il restait ouvert et des plus sensibles aux découvertes et aux merveilles du génie moderne. […] Servois, l’ancien élève de l’École des chartes, un M. de Garriod, ancien officier savoisien, homme modeste et d’un vrai mérite, profond connaisseur en peinture, il ajoutait ce fin portrait d’un troisième : « J’attirais aussi quelquefois le professeur de belle littérature de l’Université (à la Sapience), dont j’ai entendu les leçons avec plaisir : mémoire facile et sûre des plus beaux textes latins et italiens, prononciation parfaite, et sur le tout un sentiment irréprochable d’excellent humanisme pour rapprocher, à chaque leçon, quelques beaux passages classiques de l’antique et de la moderne Italie. […] Et puis, tenez, une idée philosophique à laquelle je tiens beaucoup, c’est que le génie des peuples modernes n’a pas tant besoin d’être ni excité ni endoctriné par tels ou tels hommes.