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1983. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

On a bien voulu pourtant nous mettre en cause : dans une biographie de Benjamin Constant, qui fait partie de la Galerie des Contemporains illustres par un Homme de rien, le spirituel auteur (M.de Loménie) a cru devoir, en se déclarant le champion de Benjamin Constant, faire de nous un adversaire de l’illustre publiciste, et nous prendre à partie sur les notes et réflexions qui accompagnaient les lettres produites, comme si elles étaient en désaccord criant avec les textes mêmes. […] — C’est en ce sens que Buffon disait : « Je n’estimerais pas un jeune homme qui n’aurait point comme ncé par l’amour. » Quelqu’un de très-spirituel l’a dit encore : On doit faire dans la vie comme pour un voyage ; il faut toujours se mettre en route avec trop de provisions, au moral aussi ; on ne saurait être trop en fonds au départ, on a bien assez d’occasions de perdre et de dépenser. […] Parlant des romans de Rétif, Benjamin Constant écrivait : « Il (le romancier) met trop d’importance aux petites choses. […] Ils ont beau ne rien dire, je les entends. » Avec un scrupule un peu plus marqué à l’endroit de la dignité, le jeune homme ne se serait pas fait dire deux fois ces choses dont souffrait pour lui une femme délicate ; il se serait mis au plus vite en règle avec le mari. […] c’est assez de nous être mis avec lui sur la défensive ; l’estime même qu’on fait de son opinion nous y obligeait.

1984. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Dans d’autres traités, il s’appliquera à mettre en honneur la raison et son double rôle dans la vie morale, pour détourner des passions, et pour préparer sa foi. […] Neveu de Desportes, il adorait Desportes, et Ronsard, et la Pléiade : quand Malherbe se mit ¿î maltraiter ses dieux, il voulut les venger, et écrivit contre l’irrespectueux réformateur une admirable et incohérente satire, où déborde la poésie, mais où il n’y a pas ombre de sens critique. […] La littérature où la raison tend à dominer, s’oriente vers l’universel : elle reconnaît pour son objet ce dont chacun trouve en soi, la vérité et l’usage ; rien ne lui sera plus propre que la vie humaine, que les faits moraux, les forces et les freins que met en jeu dans Taine l’existence de chaque jour. […] On fleurit encore ses discours de souvenirs ; François de Sales met de l’histoire naturelle dans la théologie, et Montchrestien de la mythologie dans l’économie politique. […] Deux œuvres mettent alors en lumière l’avortement du genre historique : d’abord l’admirable corps d’Histoires du président de Thou259, si exact, si informé, si impartial, et qui, écrivant en latin avec les mots et la couleur de Tite-Live, n’arrive qu’à faire un pastiche ; en second lieu la célèbre Histoire Romaine de M. 

1985. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

En ce sens, les Vingt-huit jours de Chocolat, figurés au Nouveau-Cirque, valurent mes applaudissements : c’était du Chivot moins Chivot (il y avait donc un progrès), et aussi moins les « effets » de vos comédiens qui me crispent à en pleurer ; leur inintelligence normale est mise en valeur par l’hypertrophie de leur vanité ; et je ne vois d’égal à leur cabotinage que celui des critiques, qui tous ont le front de nous entretenir chaque lundi des « artistes », comme si nous ne savions pas d’avance qu’ils approuvent la distinction de Mme Bartet et la rondeur de M.  […] À la vérité, c’est assez et trop mettre Molière en cause. […] La mission du dramaturge de génie n’est pas de mettre les badauds en effervescence. […] Seulement, nous ne savons aucun gré à l’homme qui crée des idées déjà frappées et mises en circulation. […] Bien qu’il ne soit pas malaisé de montrer, dans les drames religieux de l’Inde ancienne, l’image d’une vie tout intérieure mais que des cultes pieux faisaient sociale ; dans les tragi-comédies du moyen âge espagnol, la double expression du mélange trouble, d’un obscurantisme fanatique et d’une nature lumineuse ; dans les licencieuses fantaisies du théâtre italien plus moderne, la mise en scène d’une société brillante et dissolue ; — mieux vaut rappeler, pour convaincre par des exemples tout à fait décisifs, les deux peuples dont la vie sociale fut le plus harmonieuse, et la vie théâtrale le plus artistique, la Grèce et la France.

1986. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

En ce sens, les Vingt-huit-Jours de Chocolat, figurés au Nouveau-Cirque, valurent mes applaudissements : c’était du Chivot moins Chivot (il y avait donc un progrès), et aussi moins les “effets” de vos comédiens qui me crispent à en pleurer ; leur inintelligence normale est mise en valeur par l’hypertrophie de leur vanité ; et je ne vois d’égal à leur cabotinage que celui des critiques, qui tous ont le front de nous entretenir chaque lundi des “artistes”, comme si nous ne savions pas d’avance qu’ils approuvent la distinction de Mlle Bartet et la rondeur de M.  […] À la vérité, c’est assez et trop mettre Molière en cause. […] La mission du dramaturge de génie n’est pas de mettre les badauds en effervescence. […] Seulement, nous ne savons aucun gré l’homme qui crée des idées déjà frappées et mises en circulation. […] Bien qu’il ne soit pas malaisé de montrer, dans les drames religieux de l’Inde ancienne, l’image d’une vie tout intérieure, mais que des cultes pieux faisaient sociale ; dans les tragi-comédies du moyen âge espagnol, la double expression du mélange trouble, d’un obscurantisme fanatique et d’une nature lumineuse ; dans les licencieuses fantaisies du théâtre italien plus moderne, la mise en scène d’une société brillante et dissolue ; — mieux vaut rappeler, pour convaincre par des exemples tout à fait décisifs, les deux peuples dont la vie sociale fut le plus harmonieuse, et la vie théâtrale le plus artistique, la Grèce et la France.

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