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1478. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il est seulement à regretter qu’il ait trop négligé son style : il est trop négligé et très incorrect ; mais sa manière rigoureuse d’argumenter récompense le lecteur des désagréments de sa diction. […] Insistant sur l’utilité dont peut être une bonne dialectique pour prémunir contre les faux jugements : « Il est certain, dit-il, que la lecture fréquente des ouvrages de Bayle donne à l’esprit une certaine volubilité sur cette matière, qu’il ne tiendra jamais uniquement des avantages de la nature. » Tout en recommandant particulièrement à son frère quelques écrits de son auteur de prédilection, il ajoute que lui-même est occupé de faire imprimer en ce moment un extrait du Dictionnaire ; il compte que cet abrégé, qui porte principalement sur la partie philosophique de l’ouvrage, se répandra dans le public et pourra être utile : Je suis persuadé que la mauvaise conduite de la plupart des hommes vient moins d’un principe de méchanceté que d’une suite de mauvais raisonnements ; et je crois par conséquent que si on pouvait leur apprendre à raisonner d’une façon plus juste et plus conséquente, leurs actions s’en ressentiraient d’une manière avantageuse. […] Le prince Henri avait, dit-on, été demandé pour roi par les Polonais à la mort d’Auguste III (1763), et il en avait voulu dans le temps à son frère de s’être opposé à leur vœu : il trouvait là une singulière manière d’en savoir gré à la Pologne.

1479. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Bien d’autres ont passé par le même chemin, mais il y procède à sa manière, il y parle avec son accent. […] D’où me vient enfin cette suggestion extraordinaire de vérités dont les expressions sont mortes pour mon esprit, même quand il les connaît à la manière ordinaire ? […] Quand on l’a bien lu, il naît, selon l’esprit et les dispositions qu’on y apporte, une foule de réflexions sur les problèmes les plus importants et les plus déliés de notre condition humaine ; mais la nature si délicate de ces problèmes fait qu’il vaut mieux que chacun tire sa leçon comme il l’entend, et boive l’eau de la source à sa manière.

1480. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Ces manières d’expressions lui viennent tout couramment, et elles entrent dans sa phrase sans dire gare. […] Chauvelin : « Il a fait le misérable traité de Séville, misérable parce que nous ne voulions pas l’exécuter, et que c’est un embarquement violent pour ne faire que cacade, paroles de pistolet et actions de neige. » On ne sait où il va prendre un pareil jargon : « Un financier a le train du prince, et n’a l’état, l’esprit et les manières que d’un poilou. » — « Je fus pouillé », pour : on me gronda. […] Le bien de tous se serait fait, j’aime à le croire, mais certainement de la manière la plus désagréable pour chacun.

1481. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Sa maxime était « de tourner les choses de manière qu’en donnant gain de cause à celui qui avait raison, son adversaire eût cependant lieu, par quelques endroits, de se consoler d’être vaincu. » Aux difficultés qu’il rencontrait en cette tâche ingrate d’arbitre et de pacificateur des couvents, il lui arriva cependant de dire plus d’une fois qu’il était moins aisé de remettre la paix parmi les religieux et les réguliers que de ramener au devoir les prêtres séculiers. […] Ses manières aimables et engageantes étaient comme un charme qui calmait ou qui suspendait les fureurs des partis contraires, et jamais homme n’a mieux su se faire tout à tous pour les gagner tous : heureux si c’eût été à la religion qu’il eût voulu les attacher plutôt qu’à sa personne ! […] Le roi, ayant voulu acquérir les justices de Paris appartenant à l’archevêque, on avait proposé à celui-ci, en manière d’échange, Meudon ou Conflans ; et sur le choix du prélat, le roi avait acheté Conflans de M. de Richelieu pour l’unir à l’archevêché.

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