/ 2901
1435. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Si l’art, la poésie, se doivent jamais appeler le produit précieux d’un mal caché, ce n’est pas de l’art, de la poésie d’Homère et de Sophocle, ni de celle de Dante, ni de celle de Shakspeare, de Molière et de Racine, qu’on peut dire cela : ces sortes de poésies, quelque travaillées qu’elles semblent, demeurent toujours le riche et heureux, couronnement de la nature, ramis felicibus arbos ; mais c’est bien de la poésie de Jean-Jacques, de Cowper, de Chatterton, du Tasse déjà, de Gilbert, de Werther, d’Hoffmann, et de son musicien Kreisler, et de son peintre Berthold de l’Église des Jésuites, et de son peintre Traugott de la Cour d’Arthus, c’est de toutes ces poésies, et c’est aussi de celle de Stello, qu’on peut à bon droit le dire. […] Comment l’affection, le mal sacré de l’art, la science successive de la vie et ses mécomptes, ont-ils par degrés amené en lui cette transformation ou du moins ce dédoublement du poëte en savant, de celui qui chante en celui qui analyse ? […] Il m’arrive à chaque instant d’être emporté par elle et d’aller jusqu’à la fin en soupirant et en gémissant de ses maux… Dans ce moment encore, en vous écrivant, mon ami, je suis forcé de m’interrompre pour lire la Demoiselle infortunée. […] Les nouveaux venus sont si nouveaux, les héritiers de la dernière heure sont si mal informés de tout le contenu et des précédents de l’héritage, la vie du passé est tellement prompte à s’évanouir ou à ne laisser que de vagues traces d’elle-même, que j’ai cru bon et nécessaire, en présence d’une dénégation étrange, d’insister ici sur une de ces traces et de réveiller quelque idée d’un groupe et d’un moment si chèrement mémorables à ceux qui en firent partie, et à jamais dissipés. — Deux lettres seulement encore : « Avril 1830.

1436. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

» Puis le mal se fait de nouveau sentir, et l’élégie reprend : « Je me suis fatigué de gémir ; toutes les nuits je mouille de mes larmes ma couche ! […] « Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort je ne crains pas qu’il m’arrive du mal ; ta houlette et ton bras sont ma sécurité. […] Ta droite couvrait tout du flux de tes bontés ; Et, comme l’Océan dévore son écume, Son âme, engloutissant le mal qui le consume,         Dévorait ses iniquités. […] … Dans l’Orient, riche en symbole, Ainsi quand des saints orateurs La pathétique parabole Fait fondre l’auditoire en pleurs, Le prêtre suspend la prière, Il va de paupière en paupière Éponger l’eau de tous les yeux ; Et de cet égouttement d’âme Il compose un amer dictame Qui guérit tout mal sous les cieux !

1437. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Si d’ailleurs ces lettres divulguées nous révèlent en eux des faiblesses et des erreurs que nous ne connaissions pas, et dont nous les savions seulement capables puisqu’ils furent des hommes, le mal n’est pas grand. […] Il l’aime un peu (quoique avec moins de gravité) comme il aime l’Éva de la Maison du Berger : pour se reposer de la contemplation des choses insensibles et immuables dans celle d’une créature éphémère, plus séduisante d’être fugitive, — et souffrante aussi, quoique frivole… Tout de même, elle est bien étourdie, la petite cousine, bien inattentive au mal de son ami. […] On ne parle pas toujours, au Palais-Bourbon, si mal que vous croyez. […] Jaurès ne serait peut-être pas mal nommé le Père Hyacinthe du socialisme.

1438. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Nous plaignons madame du Barry, tordant ses beaux bras nus sur la charrette du supplice, et criant à Samson, de sa voix d’enfant : « Monsieur le bourreau, ne me faites pas de mal !  […] Il fait mal, n’est-ce pas, ce brocantage de l’amour ? […] quelle culture de l’Arbre de la science du bien et du mal ! […] Cependant il est, çà et là, des choses qui me blessent dans ce vif ensemble : c’est le rôle de moraliste que s’arroge le jeune peintre vis-à-vis de la femme qu’il va entraîner, tout à l’heure, dans tous les casse-cou de l’amour coupable ; c’est l’attitude vertueuse et presque contrite que prend cette femme devant l’homme auquel elle a jeté son mouchoir ; c’est, en un mot, le faux air d’entrevue de pénitente et de directeur qui déguise mal le caractère de ce profane tête-à-tête.

/ 2901