Mais transportez sur le théâtre cette physiologie crue et saignante, animez-la du mouvement de la scène, de la réalité des acteurs ; multipliez son impression par la diversité des mille spectateurs qui s’en remplissent l’esprit et les yeux ; servez, pêle-mêle, les fruits de l’Arbre du bien et du mal à cette foule souvent incapable de les discerner : qui peut affirmer la moralité d’un pareil spectacle ? […] Le feu mal éteint couvait dans son cœur : il se rallume au souffle de la colère. […] Le comparse paye pour le personnage vraiment odieux et vraiment coupable : cote mal taillée, s’il en fut jamais !
Elle est maigre, comme il convient à son âge ; sa bouche fort vermeille, les lèvres grosses, les dents blanches, longues et mal rangées ; les mains bien faites, mais de la couleur de son âge. […] Elle fait mal la révérence et d’un air un peu italien. […] Je ne me consolerai jamais d’être la cause de vos maux, et je ne pardonnerai point à ce maudit lansquenet.
M. de Hardenberg, ministre de Prusse, ayant persisté à le consulter, tandis qu’il participait dans le même temps aux négociations de la paix de Bâle à laquelle Mallet était directement opposé, ce dernier le prit fort mal ; il interrompit un travail devenu dérisoire dans cette nouvelle conjoncture : « Dans cet état de choses, écrivait-il à M. de Hardenberg, toute lettre de ma part devenait un acte d’importunité, une indécence et un contresens. » Ayant été mêlé en 1794 dans un projet de conciliation qu’offraient aux princes émigrés les constitutionnels de la nuance de MM. de Lameth, et ne s’y étant prêté qu’avec une extrême réserve, Mallet du Pan apprit qu’on en jasait pourtant dans l’armée de Condé, et il reçut de l’envoyé anglais en Suisse, M. […] Rien qu’à l’accent, il est évident qu’avec ce fonds d’humeur républicaine et cette conscience d’homme libre qui se retrouve à nu dès qu’on le presse trop au vif, Mallet du Pan en prend son parti ; il est à bout à la vue de tant de fautes, de sottises, et d’une partie d’échecs si mal jouée : « C’est un bonheur insigne, s’écrie-t-il ; de n’être rien qu’indépendant dans des conjonctures si désespérées, au milieu d’hommes qui ruineraient, par leur façon de faire, les conjonctures les plus favorables. » On voit à présent, sans qu’il y ait doute, quelle franche et particulière nature d’avocat consultant et de conseiller royaliste c’était que Mallet du Pan, ce paysan du Danube de l’émigration. […] Comme le petit nombre de médecins consciencieux et sévères, Mallet du Pan est plus hardi à sonder et à décrire le mal qu’à proposer le remède.
Comment concilier ce vœu si français de Carrel, cet élan d’une démocratie qui n’est jamais mieux qu’en uniforme et sous le drapeau, avec la pensée de ces républicains d’Amérique, calculateurs et économes, qui croient que, tout gouvernement étant un mal, il faut rendre ce mal le moindre possible ? […] Le fait est, et c’est là seulement ce qui vous intéressera, que je ne m’en trouve pas mal.