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974. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Après dix-huit mois, la mort de sa mère le fit rappeler ; il ne profita guère davantage à l’école de Westminster, d’où il faisait de fréquentes absences pour les bains de Bath et la maison de santé. […] Le père de Gibbon prit un prompt parti, il résolut de dépayser son fils, et l’envoya pour quelques années sur le continent, à Lausanne, dans la maison d’un honnête ministre du pays, le pasteur Pavilliard.

975. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

L’office de sénéchal ou de grand maître de la maison des comtes de Champagne était héréditaire dans sa famille, et il en fut pourvu à la mort de son père. […] « Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu.

976. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Lorsqu’il eut fait nommer Amelot, ministre de la Maison du roi, à la place de Malesherbes, il était le premier à dire à qui voulait l’entendre : « On ne dira pas que j’aie pris celui-là pour son esprit. » Un jour Besenval avait à se plaindre du ministre de la guerre, M. de Saint-Germain, qui ne l’avait point porté sur la liste des lieutenants généraux employés, ce qui d’ailleurs lui était assez égal, il a le soin de nous le dire (car c’est bien son genre, sa conclusion finale favorite, de dire de toutes choses : Ça m’est égal) ; il alla trouver M. de Maurepas, et se mit à lui parler en détail du singulier ministre de la guerre qu’il s’était choisi : Je démontrai à M. de Maurepas ses fautes (les fautes de M. de Saint-Germain), sa mauvaise administration, enfin son incapacité. […] [NdA] Maurepas avait le goût des arts ; il était agréable à ceux qui les cultivaient ; dans sa retraite à Pontchartrain, il fit illusion à Montesquieu, qui écrivait après avoir passé huit jours avec lui : « Le maître de la maison a une gaieté et une fécondité qui n’a point de pareille : il voit tout, il lit tout, il rit de tout, il est content de tout, il s’occupe de tout.

977. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Issu d’une ancienne famille noble, assez peu aisée, qui vivait dans le Midi au château du Cayla, du côté d’Alby ; élevé dans une maison religieuse à Toulouse, puis au collège Stanislas, abrité quelque temps à La Chesnarye en Bretagne, dans le petit monde de M. de Lamennais au moment critique et alors que ce grand et violent esprit couvait déjà « sa séparation » d’avec l’Église, revenu bientôt à Paris et se livrant à la littérature, il mourut avant d’avoir rien publié de remarqué ni d’important. […] Aussi n’ai-je jamais rêvé de grandeur ni de fortune ; mais que de fois, d’une petite maison hors des villes, bien proprette avec ses meubles de bois, ses vaisselleries luisantes, sa treille à l’entrée, des poules !

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