Il se porte à l’auteur qu’il lit, directement, avec toute sa vigueur d’esprit, et y puise une impression nette et ferme, de première main, de première vue (facie ad faciem) ; il en tire une conclusion qui jaillit de source, qui bouillonne et déborde. […] Les momies égyptiennes, que Cambyse et le temps ont épargnées, sont maintenant la proie de mains rapaces. […] Ne le rudoyons pas et, en le prenant par la main pour le faire asseoir dans notre fauteuil médical et quasi anatomique, ayons attention (s’il vivait encore) à ne pas le faire crier.
A cet âge, il le fallait voir, le cornet en main, coiffé de papier gris, suivre son père dans les charivaris du lieu. […] Le poëte commence par le pitoyable inventaire de la maison, et tout cela pour neuf personnes : « Je savais désormais, dit-il, que cette besace pendue en travers sur deux cordes, et où souvent je mettais la main pour un morceau de pain, était celle que mon grand-père promenait dans les métairies à la ronde, demandant de quoi vivre à ses anciens amis : Pauvre grand-père ! […] Au moment où elle prend un couteau pour trancher le mouton, il jette un coup d’œil sur sa main qu’elle voudrait dérober : ce n’est que trop vrai !
Il essaye de décomposer et d’expliquer la fortune d’André Chénier par toutes les raisons les plus étrangères au talent même et au charme de ses vers ; il côtoie complaisamment les suppositions les plus gratuites en finissant par les rejeter sans doute, mais avec un regret mal dissimulé de ne les pouvoir adopter : « On se demanda, écrit-il (lorsque ces Poésies parurent), si on n’admirait pas sous la garantie d’une muse posthume l’effort d’un esprit moderne ; si, sous la main d’un éditeur célèbre et poëte lui-même, telle épître ou telle élégie n’avait pas pu s’envoler d’un champ dans un autre, et sans qu’il lui fût bientôt permis de revenir à la voix de son premier maître. […] Des antiques vergers ces rameaux empruntés Croissent sur mon terrain, mollement transplantés ; Aux troncs de mon verger ma main avec adresse Les attache, et bientôt même écorce les presse. […] « Muse chérie (je traduis en abrégeant), à qui apportes-tu ce chant cueilli de toutes parts, et aussi quelle main a tressé cette couronne de poésie ?
Mais le geste était supérieur à Zola, dépassait Zola, comme ce mot qu’il dit inattentif à la cour d’assises : « Je ne connais pas la loi. » Le prétendu révolutionnaire ferma les yeux, terrifié par la belle lumière antisociale que la Parole venait de faire en lui et autour de lui ; il s’excusa, tremblant comme un enfant dont la main a tourné, machinale, un bouton quelconque et qui voit les ténèbres soudain s’éclairer. […] Les événements auxquels tu es mêlé te paraissent extraordinaires et le geste de ta main te cache l’univers. […] Il arrive toujours les mains chargées d’un bouquet d’espérances, fleurs de papier qu’il croit peut-être vivantes, que dans tous les cas il affirme vivantes.