« Non, et les lieux inutiles reverront sa visite : les pierres nuées qui lui plurent, il les ordonnera négligemment en un parterre de mousse dont il garde le puéril souvenir : par son unique vouloir esseulées, hors de mille s’étrangeront là quelques ramures vertes virginalement sur de droits rêves, et perplexes quand sous elles il laissera qui prévalaient d’oiseaux tels rameaux morts gésir, et devinée mieux que vue aux dentelles des verdures amènera large et molle une rivière où des lis gigantesques : un torse nu de vierge en l’eau s’ornera d’une toison mêlée à l’heure d’un soleil saignant son or mourant. « Alors pourra venir celle-là : et l’amante au seuil très noblement s’alanguira, comprenant, sa rougeur d’ange exquisement éparse parmi le doux soir, l’Hymen immortel mêlé d’oubli et d’appréhension qui de son murmure visible emplira le site créé. » Cela veut dire, sauf erreur : — Supposons que le poète veuille, pour que l’amante y dorme le soir, un paysage digne d’elle et qui fasse rêver d’amour. […] Enfin, voici un exemple de poésie proprement symboliste (je ne dis pas symbolique, car la poésie symbolique, on la connaissait déjà, c’était celle que l’on comprenait) : Le souvenir avec le crépuscule Rougeoie et tremble à l’ardent horizon De l’espérance en flamme qui recule Et s’agrandit ainsi qu’une cloison Mystérieuse, où mainte floraison Dahlia, lis, tulipe et renoncule — S’élance autour d’un treillis et circule Parmi la maladive exhalaison De parfums lourds et chauds, dont le poison Dahlia, lis, tulipe et renoncule Noyant mes sens, mon âme et ma raison, Mêle dans une immense pâmoison Le souvenir avec le crépuscule. […] C’est-à-dire qu’il mêle des rythmes d’un caractère non seulement différent, mais opposé.
Mesler, mêler. […] « Dans le monde, dit Mademoiselle, et les affectent de paraître fort retirées, quoiqu’elles cherchent fort le monde, ne bougeant de toutes les maisons de qualité où il va le plus d’honnêtes gens ; et cela même ne leur suivit pas, puisqu’elles vont dans celles où la marchandise est la plus mêlée et qui reçoivent toute sorte de gens sans distinction. […] On mêlait un travail manuel aux conversations ; on composait des habits sur des mannequins pour servir de règle à la parure, pour créer une mode53. […] J’ai vainement cherché dans les écrits du temps l’occupation que les femmes de la haute société mêlaient à la conversation.
Et dans cette horreur des Justices méchantes, frémit l’âme généreuse d’Athènes, de la cité non sanglante, où le supplice même était adouci, où les condamnés buvaient sans souffrances la mort mêlée au sommeil, dans une coupe de ciguë : — « Allez où l’on coupe les têtes, où l’on crève les yeux, où le fer tranche leur sexe aux hommes, où les lapidés et les empalés gémissent ! […] L’austère Hésiode ne peut pas plus l’accoupler à un phénomène incarné en dieu, que le frivole Ovide ne peut la mêler aux scandales galants de l’Olympe. […] … Respectez la majesté de ce tribunal vénérable et incorruptible ; rempart de ce pays, salut de cette ville, gardien vigilant, même quand la cité dort, tel que n’en possède aucun autre peuple. » — À l’esprit d’équité qu’elle dépose en lui, la sage Déesse mêle un peu de la terreur que les Érynnies représentent. […] Sa raison perçante scrute leurs ténèbres ; elle y discerne du bien mêlé à du mal, des excès à corriger dans une puissance qu’il faut maintenir.
La plus affreuse mêlée de sang sur un champ de bataille n’approche pas de cette hideuse mêlée d’encre qui tache les combattants des partis divers dans ces ateliers de la politique. […] Madame de Girardin seule fut préservée de ces éclaboussures des passions par la douce impartialité de son cœur ; elle ne se mêla jamais au combat, pour rester toujours chère aux vainqueurs, secourable aux vaincus. […] J’y trouvai un jeune écrivain, d’âme sensible et de main magistrale, qui ne rougit ni d’aimer ni d’admirer, Paulin de Limayrac ; une femme qui a perdu son sexe dans la mêlée du génie comme les héroïnes du Tasse, madame Sand.