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279. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Les auteurs n’ont pas réussi à remplir ce vide par une enfilade de tableaux épars, au milieu desquels des personnages factices se mêlent et se heurtent, sans qu’aucun lien les rassemble. […] Nous discuterons la pièce en la racontant : elle débute bien, et dans un beau cadre, moitié féodal et moitié champêtre, où la bonne odeur des vieilles mœurs se mêle à un parfum de nature. […] Au second acte, nous sommes dans le salon de la baronne de Montlouis, un salon étrangement mêlé de bohème dorée et de finance décrassée. […] Autre méprise et autre surprise ; elle repousse les présents du joueur heureux, avec la fierté d’une femme qui n’entend pas mêler l’argent à l’amour.

280. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Une rougeur s’y mêlait. […] À nos yeux cinq ou six de ceux que nous venons de nommer sont légitimement illustres ; ils ont même mêlé quelque chose de bon à leur ravage ; leur total définitif embarrasse l’équité absolue du penseur, et ils pèsent presque du même poids dans la balance du nuisible et de l’utile. […] Sans doute, pour rendre ce que nous disons ici sensible par les faits, il est utile qu’un homme puissant ait marqué le temps d’arrêt entre l’écroulement du monde latin et l’éclosion du monde gothique ; il est utile qu’un autre homme puissant, venant après le premier comme l’habileté après l’audace, ait ébauché sous forme de monarchie catholique le futur groupe universel des nations, et les salutaires empiétements de l’Europe sur l’Afrique, l’Asie et l’Amérique ; mais il est plus utile encore d’avoir fait la Divine Comédie et Hamlet ; aucune mauvaise action n’est mêlée à ces chefs-d’œuvre ; il n’y a point là, à porter à la charge du civilisateur, un passif de peuples écrasés ; et, étant donnée, comme résultante, l’augmentation de l’esprit humain, Dante importe plus que Charlemagne, et Shakespeare importe plus que Charles-Quint. […] Pendant que, du côté de l’engloutissement, de plus en plus penchante au gouffre, la flamboyante pléiade des hommes de force descend, avec le blêmissement sinistre de la disparition prochaine, à l’autre extrémité de l’espace, là où le dernier nuage vient de se dissoudre, dans le profond ciel de l’avenir, azur désormais, se lève éblouissant le groupe sacré des vraies étoiles : Orphée, Hermès, Job, Homère, Eschyle, Isaïe, Ézéchiel, Hippocrate, Phidias, Socrate, Sophocle, Platon, Aristote, Archimède, Euclide, Pythagore, Lucrèce, Plaute, Juvénal, Tacite, saint Paul, Jean de Pathmos, Tertullien, Pelage, Dante, Gutenberg, Jeanne d’Arc, Christophe Colomb, Luther, Michel-Ange, Kopernic, Galilée, Rabelais, Calderon, Cervantes, Shakespeare, Rembrandt, Kepler, Milton, Molière, Newton, Descartes, Kant, Piranèse, Beccaria, Diderot, Voltaire, Beethoven, Fulton, Montgolfier, Washington ; et la prodigieuse constellation, à chaque instant plus lumineuse, éclatante comme une gloire de diamants célestes, resplendit dans le clair de l’horizon et monte, mêlée à cette immense aurore, Jésus-Christ !

281. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Tantôt (dans Les Serments indiscrets), c’est l’amour-propre piqué qui s’engage à l’étourdie, et qui retarde et complique tout d’abord un aveu qui allait de lui-même échapper des lèvres ; tantôt, ce même amour-propre piqué, et la pointe de jalousie qui s’y mêle (dans L’Heureux Stratagème), réveille un amour trop sûr qui s’endort, et le ramène, au moment où il allait se changer et dégénérer en estime ; tantôt (comme dans Les Sincères, comme dans La Double Inconstance), l’amour-propre piqué ou flatté détache au contraire l’amour, et est assez fort pour le porter ailleurs et le déplacer. […] 81. » Il mêlait aux éloges, aux beaux noms de La Bruyère et de Théophraste qu’il ne craignait pas d’appliquer à notre auteur, quelques réserves et quelques censures morales, en priant son nouveau confrère de les lui passer et de les mettre sur le compte du ministère saint dont il était chargé. […] D’autres embarras s’y mêlèrent.

282. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Mais, avant que le mal ait pris le dessus et que la manie s’en mêle, quand l’art tient encore chez lui le gouvernail, il se rend très bien compte de l’effet ; c’est un effet triste et assombri, il le veut tel ; c’est bien un jour d’hiver qu’il veut faire régner sur l’ensemble, et avec lequel il saura mettre en accord toutes les figures : J’aime bien voir là (à Venise) le caractère d’un jour d’hiver ; je ne veux pas faire de la neige, c’est trop froid ; mais je voudrais donner l’idée d’un de ces jours qui ont une poésie si je puis dire, et qui laissent dans l’âme une mélancolie profonde. […] C’est encore un pays tout neuf et qui conserve beaucoup du caractère étrusque, mêlé avec celui de la Renaissance qui plaît toujours tant. […] Dans son bon temps, et avant que la maladie eût altéré sa faculté et sa puissance d’exécution (ce qui me paraît avoir dû être dans le courant de 1833), il avait de grandes douceurs mêlées à un travail et à une peine inévitables.

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