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340. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Rohan, qui y admire l’arsenal et qui en dénombre l’artillerie (370 pièces de fonte), ajoute : « Ils n’ont point de canon de batterie : leur raison tient fort du roturier ; car, à ce qu’ils disent, ils ne veulent attaquer personne, mais seulement se défendre. » Venise le saisit vivement par son originalité d’aspect, son arsenal, sa belle police, ses palais, ses tableaux même et ses bizarres magnificences : Pour le faire court, dit-il, si je voulais remarquer tout ce qui en est digne, je craindrais que le papier me manquât : contente-toi donc, ma mémoire, de te ressouvenir qu’ayant vu Venise, tu as vu un des cabinets de merveilles du monde, duquel je suis parti aussi ravi et content tout ensemble de l’avoir vue, que triste d’y avoir demeuré si peu, méritant non trois ou quatre semaines, mais un siècle, pour la considérer à l’égal de ce qu’elle mérite. […] Ce qu’on appelle discours politiques de M. de Rohan est un recueil soit de vrais discours tenus dans les assemblées des protestants, soit de mémoires à consulter et d’avis donnés confidemment dans telle ou telle conjoncture, soit d’apologies de sa propre conduite (et il en eut souvent besoin en un temps de partis), soit même de considérations pour lui seul ; car c’était le tour de son esprit d’aimer à raisonner sur les faits et à se rendre compte à lui-même. […] La mémoire si récente de son nom fait qu’on y apporte encore quelque respect ; mais autant de jours que nous nous en éloignons sont autant de pas que nous faisons au chemin de la désobéissance. […] Ses mémoires, qui comprennent, à son point de vue, toute l’histoire de France depuis la mort de Henri IV jusqu’à la fin de la troisième guerre contre les réformés où succomba La Rochelle (1610-1629), se ressentent de la complication des événements et des embarras de l’auteur. […] (Mémoires du duc de La Force, maréchal de France, publiés par le marquis de La Grange, tome Ier, p. 307.)

341. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Mémoire de Foucault Intendant sous Louis XIV Publiés par M.  […] Tout n’est pas sombre dans ces pages des Mémoires de Foucault. […] Il avait sous, les yeux, en écrivant, l’original même de la Relation de Foucault faite pour être mise sous les yeux du roi : « Il n’y est parlé ni de violences ni de dragonnades ; on n’y entrevoit pas qu’il y ait un seul soldat en Béarn : la conversion générale paraît produite par la Grâce-divine. » Foucault, dans ses Mémoires, est plus explicite, et je dois dire que tout ce qu’on y lit à ce sujet est fait pour confirmer bien plus que pour réfuter les reproches de ses accusateurs. […] Dans un voyage et séjour de cinq mois à Paris, pendant lequel il alla prendre souvent l’air de Versailles, il commença par se bien pénétrer des intentions du roi et de ses désirs ; il exposa à Louis XIV, dans une audience particulière, et lui fit agréer toute la partie ostensible et séduisante de son plan ; il ne parla que de l’amour, de la vénération des Béarnais pour la mémoire de Henri IV, sentiments qui avaient passé à son petit-fils. […] Après plus de trois années, de toute manière assez peu glorieuses, où il avait eu à essuyer bien des disgrâces, et des dégoûts en récompense de son attachement connu à la mémoire et à la famille de Colbert, Foucault demanda instamment à M. de Seignelay, de le tirer de la dépendance, de Louvois, et il obtint de passer intendant à Caen, en janvier 1689.

342. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. […] Quand il écrivait ses mémoires dans sa retraite, il les adressait à un de ses amis, archevêque de Vienne, et il a l’air d’espérer que cet ami, ancien aumônier de Louis XI, et, de plus, savant médecin et astrologue, ne les lui a demandés que pour les mettre ensuite en latin et en composer quelque œuvre considérable. […] Commynes, dans ses Mémoires, n’est pas seulement un narrateur, c’est un philosophe politique, embrassant, comme Machiavel et comme Montesquieu, l’étendue des temps, les formes diverses de gouvernements, leurs principes et les conséquences éloignées qui en découlent. […] Après avoir mis en regard, par exemple, les malheurs qui frappèrent, vers le même temps, la maison de France et celle de Castille : « Et semble, dit-il, que Notre Seigneur ait regardé ces deux maisons de son visage rigoureux, et qu’il ne veut point qu’un royaume se moque de l’autre. » À partir de la mort de Louis XI, les Mémoires de Commynes perdent sensiblement en intérêt. Le récit de la conquête d’Italie, sous Charles VIII, et de la marche jusqu’à Naples, est obscur, diffus, sans ordre ; on a pu douter jusqu’à un certain point que cette partie des Mémoires fût, en effet, de lui.

343. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

D’autres hommages attendent encore sa mémoire au sein des académies dont il était membre. […] Trois boutons de roses blanches, qui devaient être offerts à Lina pour sa fête, n’ont fleuri que pour orner son cercueil : « Si je voyais de jeunes femmes, disait l’auteur, placer dans leurs cheveux trois boutons de roses blanches, en mémoire d’un événement réel que j’ai retracé, je le déclare, je serais plus fier que si toutes les Académies de l’Empire décidaient que mon ouvrage est sans défaut. » On m’assure que son vœu fut accompli, et que les roses à la Lina eurent leur mode d’une saison. […] Un an auparavant (1823), il avait publié, de moitié avec Picard un roman : les Mémoires de Jacques Fauvel ; c’est un Gil Blas refait, demi-gai, demi-sentimental. […] Durant trente ans il médita donc ce sujet, historique, le plus fécond en réflexions morales ; il lut tout ce qui s’imprimait là-dessus, il interrogea les contemporains les mieux informés ; il dut à la confiance qu’inspirait son caractère d’obtenir communication de mémoires inédits : en un mot, il ne négligea aucune recherche, aucune enquête, pour arriver à la vérité. […] Les excellents Mémoires publiés sur Mirabeau par son fils adoptif, M. 

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