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1085. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Bien loin que cette remontrance de Télémaque prouve que les fils ne respectaient pas leurs mères, elle atteste qu’ils étaient prêts à les défendre au moindre outrage ; car Télémaque, encore très jeune, brave déjà toutes les menaces des prétendants. […] Mais Fénelon, Racine, Pope, Addison, et beaucoup d’autres, aimaient cette simplicité, qui n’est point contraire aux affections du cœur, puisque Homère a peint sous des traits fort touchants celle de Télémaque pour sa mère. […] Les mères, fermant leurs cabanes, arrivent avec leurs enfants, et les jeunes filles laissent leurs fuseaux, leurs brebis, et les fontaines, pour se rendre à la pompe rustique. […] Le nom du Dieu qui l’avait fondée imprimait une égale vénération à toutes les sectes rivales dont elle était la mère, et qui combattaient dans son sein. […] Elles sont, je crois, plus convenables aux mères, aux nourrices et aux amantes, que tous les systèmes sur l’entendement humain.

1086. (1940) Quatre études pp. -154

Ils ont célébré leur terre natale et leur clocher ; ils ont chanté la famille, la mère, l’enfant ; ils ont écrit l’art d’être grand-père. […] Il entend un appel auquel il est incapable de répondre. « Ma mère », s’écrie Petöfi, Ma mère, les rêves ne trompent pas ; Le linceul de la mort peut m’envelopper, Le nom glorieux de ton fils poète, Ma mère, vivra dans l’éternité26… Or, tandis qu’il est déjà riche de cette assurance, il ne fait encore qu’imiter ; il suit ses prédécesseurs, et ses accents ne sont que des échos. […] Bref, et pour le dire avec le stoïque Vauvenargues, les passions sont un bienfait qu’il faut savoir considérer comme tel : C’est une folie de les combattre, quand elles n’ont rien de vicieux, c’est même une injustice de s’en plaindre ; car une vie sans passions ressemble bien à la mort41… L’homme de sentiment, malgré son mépris pour les produits raffinés de la culture, ne reste pas sans lire ; et de même que la mère de Cleveland, le héros troublé de l’abbé Prévost, a cherché dans des traductions la doctrine de tous les sages, anciens et modernes, tant et tant qu’elle a composé, à force de soins, « un système complet dont toutes les parties étaient enchaînées merveilleusement à un petit nombre de principes clairs et bien établis42 » ; de même que Cleveland consacre ses premières années à « une simple imitation des études de sa mère », et toute sa vie à la poursuite de la sagesse et de la volupté : de même au collège, aux académies, pendant ses années de formation, et plus tard, durant ses heures de loisir, le héros préromantique ne peut pas ne pas s’informer de la philosophie régnante. […] C’est vous qui, en portant les deux sexes à se rapprocher, présidez à la conservation des espèces ; c’est vous qui, par des nœuds secrets, attachez les Pères et les Mères à leurs Enfants, et les Enfants à leurs Pères et à leurs Mères ; c’est vous qui excitez l’industrie des animaux, et celle de l’homme même ; c’est vous, en un mot, qui êtes l’âme du monde sentant.

1087. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Oreste tue sa mère ; Électre l’y encourage sans un moment d’incertitude ni de regrets ; les remords d’Oreste après la mort de Clytemnestre ne sont point préparés par les combats qu’il devait éprouver avant de la tuer ; l’oracle d’Apollon avait commandé le meurtre ; alors qu’il est commis, les Euménides se saisissent du coupable ; à peine aperçoit-on les sentiments de l’homme à travers ses actions.

1088. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

« Si, après cela, vous m’accusez d’être fils dénaturé, vous ne raisonnez pas, votre opinion n’est qu’un vain bruit et périra avec vous. » Et il y revient encore avec un acharnement maladif : « Ou vous niez la vertu, ou mon père a été un vilain scélérat à mon égard ; quelque faiblesse que j’aie encore pour cet homme, voilà la vérité, et je suis prêt à, vous le prouver par écrit à la première réquisition. » Or, il paraît bien que ce père était un homme assez rude et désagréable ; mais, si vous songez que ce tyran, n’ayant lui-même que dix mille francs de rente, faisait à son fils, alors âgé de vingt-deux ans, une pension de deux mille quatre cents francs qui en vaudraient plus de cinq mille aujourd’hui ; que Stendhal avait, en outre, une rente de mille francs qui lui venait de sa mère et que, si l’argent lui avait manqué pour se soigner, c’est qu’il en dépensait beaucoup pour ses habits et pour le théâtre, vous verrez peut-être autre chose que de l’indépendance d’esprit dans cette furieuse impiété filiale.

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