— À quels points du globe l’humanité ou les diverses races ont-elles pris leur point de départ Ici serait nécessaire la connaissance de la géographie dans sa partie la plus philosophique, et surtout la science la plus approfondie des antiques littératures et des traditions des peuples. […] Pénétration la plus intime des secrets de la psychologie spontanée, haute habitude de la psychologie et des sciences philosophiques, étude expérimentale de l’enfant et du premier exercice de sa raison, étude expérimentale du sauvage, par conséquent connaissance étendue des voyages, et autant que possible avoir voyagé soi-même chez les peuples primitifs, qui menacent chaque jour de disparaître, au moins avec leur spontanéité native ; connaissance de toutes les littératures primitives, génie comparé des peuples, littérature comparée, goût délicat et scientifique, finesse et spontanéité ; nature enfantine et sérieuse, capable de s’enthousiasmer du spontané et de le reproduire en soi au sein même du réfléchi.
… Or le génie, qui peut presque légitimer ce désordre d’une femme qui se jette dans l’abîme de la littérature, ce génie au nom seul duquel on peut remettre à la femme son péché, — son péché d’écrire, mortel à sa nature et à sa fonction sociale, — Mme Sophie Gay, — il faut bien en convenir, — ne Pavait point. […] Peut-être de désespoir se lança-t-elle dans la littérature, qui fut pour elle, hélas ! ce qu’elle est pour la plupart des femmes, une occasion de conversation, de commérages et de coterie ; car jamais les femmes n’ont rien compris à la grande littérature solitaire.
Cadre heureux et tout fait d’une histoire officielle de la littérature, l’histoire de l’Académie française serait plus qu’une histoire. […] Catalogués et numérotés par leur date d’admission à l’Académie française, tous ces esprits, qui, dans les lettres, expriment ce que Napoléon appelait de la chair à canon dans la guerre, et forment, pour ainsi parler, l’humus d’une littérature, comme la masse des soldats tués forme celui des champs de bataille, tous ces esprits n’auraient pas l’honneur de la place qu’ils occupent au petit soleil du livre de Livet s’il s’agissait individuellement d’eux, au lieu du corps dont ils ont fait partie. […] En rééditant leurs histoires avec un impayable sérieux, en les accompagnant d’une introduction animée, d’un enthousiasme presque tendre, en devenant mélancolique lorsque son livre finit et qu’il est obligé de renoncer à cette douce familiarité avec des hommes l’orgueil, à juste titre, de la littérature, Livet, qui a quêté partout des annotations pour la plus grande gloire de l’Académie, a cru évidemment que cette assemblée discoureuse, fondée pour discourir et ouvrir ou fermer la porte aux mots nouveaux qui se risqueraient dans la langue, enfin que cet hôtel de Rambouillet sans femmes avait le privilège de créer véritablement des grands hommes, parce qu’il pouvait, pour le récompenser de son zèle, le faire un jour académicien, lui, Livet !
Tout n’est pas dans cette édition une simple question de librairie, de bon marché, et même de littérature. […] Toute la littérature tombait au journal, comme toute la société tombait à la rue. […] Sybarite littéraire, élevé littérairement, il n’avait, pour résister aux dures épreuves des révolutions, dans la tête et dans le cœur que de la littérature.