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1308. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

A l’appui de son livre sur les poëtes latins, qui n’a pas été assez lu dans le sens juste où il l’avait écrit, et comme démonstration accessoire, il a exprimé directement sa pensée sur toute une classe d’écrivains modernes par son manifeste contre ce qu’il a appelé la littérature facile. […] On y apprend beaucoup de détails piquants de mœurs, et à connaître en somme (pourvu qu’on le lise avec contradiction) toute cette poésie du second âge. […] Sans me porter ici pour un défenseur de Stace comme l’était Malherbe, sans me donner du tout les airs d’avoir lu jusqu’au bout sa Thébaïde, il me semble que, dans les Sylves, plus d’une de ces pièces improvisées, non pas à la manière de Sgricci, mais comme le sont beaucoup de pièces de Hugo et de Lamartine, c’est-à-dire en deux matinées, méritait quelque distinction pour de charmants vers qui s’y trouvent. […] L’objet naturel, le devoir d’un tel ouvrage ne serait-il pas d’indiquer dans l’auteur négligé ce qui est à lire par échantillon, ce qui mérite d’en survivre, et ce qu’on en peut sauver d’agréable après des siècles ?

1309. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Si dans notre jeunesse nous nous sommes trouvés à portée de quelque ancienne bibliothèque de famille, nous avons pu lire Cléveland, le Doyen de Killerine, les Mémoires d’un Homme de qualité, que nous recommandaient nos oncles ou nos pères ; mais, à part une occasion de ce genre, on les estime sur parole, on ne les lit pas. […] Ceux qui m’accusent, comme ce léger M. de Loménie (qui n’est qu’un écho de son monde), d’avoir attendu la mort de M. de Chateaubriand pour laisser voir ma pensée à son sujet, ne m’ont pas bien lu. […] Mais on doit croire que Prévost, alors en Angleterre, ne parla la première fois de la Bibliothèque des Romans que d’après quelques renseignements et sans l’avoir lue. […] On peut lire à ce sujet une gracieuse lettre de Mademoiselle, cousine de Louis XIV, à madame de Motteville, où elle trace à son tour un plan de solitude divertissante qui se ressent également de l’Astrée, et qui d’ailleurs fait un parfait pendant à l’idéal de Prévost d’après Cassiodore, par un couvent de carmélites qu’elle exige dans le voisinage.

1310. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Puis apparut ce qu’on a appelé le cycle de l’antiquité 51 : des poètes savants, qui lisaient les livres latins, y remarquèrent mille choses merveilleuses qui pouvaient se mettre en clair français à la grande joie du public illettré. […] Un autre mit en roman le siège de Troie, non d’après Homère sans doute, ce témoin mal informé : mais il lisait les mémoires du Crétois Dictys, un des assiégeants, ceux surtout du Phrygien Darès, qui fut dans la ville assiégée ; et c’était là de bons témoins, qui n’ignoraient rien et ne laissaient rien ignorer. […] Toutes ces productions sont destinées à être lues : elles ne passent pas par la bouche des jongleurs. […] Aussi de quelle passion les femmes devaient-elles lire ces romans de la Table ronde !

1311. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Dès le xiie  siècle aussi, le laïc ignorant pourra lire en anglo-normand la Consolation de Boèce, un des ouvrages fondamentaux, comme on sait, de la science scolastique, un de ces classiques que l’on expliquera, commentera dans les écoles jusqu’à la Renaissance87. […] Ils avaient l’esprit et la faconde, une mémoire bien garnie qui les faisait disposer de l’esprit et de la faconde des autres : et ils lisaient le livre, qui donne la science, ils lisaient l’Art d’aimer. […] Il est pédant avec délices, et tous les artifices de la pédanterie lui sontfamiliers : ici il traduit sans citer, dérobant sans scrupule l’honneur de quelque doctorale argumentation ; ailleurs il cite avec une minutieuse gravité, en vantant pesamment son auteur ; ailleurs il cite Homère, ou quelque autre, pour faire croire qu’il l’a lu, quand il a trouvé simplement sa citation dans un auteur du moyen âge.

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