/ 2058
679. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

, Goethe docteur en droit, beau, noble, aimable, après de fortes et libres études commencées à Leipzig, continuées à Strasbourg, et ayant su résister dans cette dernière ville à l’attraction vers la France, est rappelé à Francfort sa cité natale, et de là il est envoyé par son père à Wetzlar en Hesse pour se perfectionner dans le droit et y étudier la procédure du tribunal de l’Empire ; mais en réalité, et sans négliger absolument cette application secondaire, il est surtout occupé de lire Homère, Shakespeare, ou de se porter vers tout autre sujet « selon que son imagination et son cœur le lui inspireront ». Et en effet, dans cette période d’entreprise encore confuse et de méditation ardente où il se trouvait, il s’était dit, pour un temps, de s’affranchir par l’esprit de tout élément et ascendant étranger, de donner un libre cours à sa faculté intérieure, à ses impulsions et à ses impressions, de se laisser faire naïvement à tous les êtres de la nature, à commencer par l’homme, et d’entrer par là dans une sorte d’harmonie et d’intimité avec tout ce qui vit. […] Dans ce qu’il leur écrit durant cet hiver de 1772-1773, qui précède le mariage, il paraît gai, heureux ou du moins libre, et tourmenté du besoin d’aimer et du vague de la passion plutôt que d’aucune particulière blessure.

680. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Que si la juridiction du jury me paraît nécessaire dans une bonne loi de presse, il me paraîtrait surtout indispensable, dans certains cas où la loi, dans sa rédaction douteuse, laisse place à trop de latitude pour l’accusation, où elle permet trop de confondre ce qui est outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs et ce qui n’est qu’une attaque théorique à des croyances religieuses qu’on est libre de ne point partager et même de combattre. […] Littérateur avant tout, laissez-moi, pour abréger et sans plus tarder, en venir à cet article 11 qui s’est introduit comme in extremis dans la loi et qui, dans sa forme absolue, a paru porter particulièrement atteinte au libre exercice de la critique et de la littérature : « Toute publication dans un écrit périodique relative à un fait de la vie privée constitue une contravention punie d’une amende de 500 fr. […] Quand on supprime ou qu’on gêne la discussion sérieuse, on donne le libre essor aux distractions futiles.

681. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Désormais, avec ou sans les privilégiés, il sera, sous la même dénomination, appelé le peuple ou la nation. » — N’objectez pas qu’un peuple ainsi mutilé devient une foule, que des chefs ne s’improvisent pas, qu’on se passe difficilement de ses conducteurs naturels, qu’à tout prendre ce clergé et cette noblesse sont encore une élite, que les deux cinquièmes du sol sont dans leurs mains, que la moitié des hommes intelligents et instruits sont dans leurs rangs, que leur bonne volonté est grande, et que ces vieux corps historiques ont toujours fourni aux constitutions libres leurs meilleurs soutiens. […] Ce peuple libre, juste et sage, toujours d’accord avec lui-même, toujours éclairé dans le choix de ses ministres, modéré dans l’usage de sa force et de sa puissance, ne serait jamais égaré, jamais trompé, jamais dominé, asservi par les autorités qu’il leur aurait confiées. […] Malouet lui-même se figure mal le Parlement anglais, et plusieurs, sur l’étiquette, l’imaginent d’après le Parlement de France  Quant au mécanisme des constitutions libres ou aux conditions de la liberté effective, cela est trop compliqué.

682. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

« Prospérité sociale, cela veut dire l’homme heureux, le citoyen libre, la nation grande. […] C’était cette même voix enrouée, ce même front terni et ridé par le hâle, ce même regard libre, égaré et vacillant. […] XV « En floréal, cet énorme buisson, libre derrière sa grille et dans ses quatre murs, entrait en rut dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bête qui aspire les effluves de l’amour cosmique et qui sent la sève d’avril monter et bouillir dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavé de la rue déserte, les fleurs en étoiles, la rosée en perles, la fécondité, la beauté, la vie, la joie, les parfums.

/ 2058