— L’éditeur nous dit également qu’il a suivi la ponctuation de Wagner un peu malgré lui ; car les virgules lui semblent trop multipliées dans ce système, lequel est d’ailleurs beaucoup plus sobre que celui de nos éditions françaises. « S’il n’eût fallu prendre garde, dit-il, de trop heurter les habitudes des lecteurs auxquels est destiné le présent livre, j’aurais fait comme M. […] Benoist s’est montré préoccupé de ce soin : en faisant plus et mieux que d’autres, il est si indulgent pour ses devanciers, et pour l’un d’eux en particulier, qu’il me rend presque embarrassé dans l’expression des éloges que je lui dois ainsi que tout lecteur. […] Voici le cas, qui ne laisse pas d’être intéressant pour tous les lecteurs de Virgile et pour ceux qui savent encore par cœur les vers appris dès l’enfance.
Je la citerai ici pour montrer à M. de Balzac un excellent modèle en certaines parties de lui-même, et pour dédommager le lecteur de ces querelles de langue par une plus gracieuse image. […] Combien de lectrices, en lisant ce portrait, se sentent tout bas flattées et comme magnétisées par l’auteur109 ! […] Il est bien vrai que, cette scène une fois passée, je n’ai oncques vu paraître de cheval, arabe ni autre ; mais enfin son intention était si bonne, si sincère, son insistance si vive, que je serais un grand ingrat si je ne lui demeurais très-obligé. » — Or (et voici ma conclusion), nous tous lecteurs, nous sommes un peu avec M. de Balzac dans le cas de M. de Latouche.
A part les fidèles du Semeur, quels lecteurs de journaux savent le nom et les titres de M. […] Vinet, et il a de plus constamment enrichi cette feuille d’articles de psychologie religieuse, ou de littérature et de critique très-fine et très-solide, que son talent si particulier d’écrivain et sa sagacité caractérisée de penseur dénoncent aussitôt au lecteur un peu exercé et signent distinctement à travers tous les voiles anonymes12. […] Que si, dans tout ceci, nous avons trop souvent arraché à un talent, le plus humble de cœur, les voiles dont il aime à s’envelopper, qu’il veuille songer, pour notre excuse, que l’effet de ces paroles, que nous aurions voulu rendre plus dignes, sera peut-être de convier quelques lecteurs de plus aux fruits des travaux que l’idée de l’utilité et du bien lui inspira ; et puisse-t-il ainsi nous pardonner !
Que l’on vienne, dans une bibliothèque populaire, distribuer à des lecteurs inexpérimentés des aliments ou malsains, ou trop forts et d’une digestion intellectuelle difficile, ce n’est pas, vous le sentez bien, ce que je m’efforcerai de justifier ; mais ce qui me paraît d’autre part excessif, injustifiable, c’est qu’on prenne occasion de ce qui peut être un fait controversable ou blâmable, pour venir afficher une sorte de jugement public et officiel d’ouvrages et de noms livrés à la dispute des hommes, établir contre eux une sorte de sentence définitive et sans appel, les frapper d’une note odieuse de censure, et instituer dans notre libre France une sorte d’index des livres condamnés, comme à Rome. […] C’est ailleurs, dans un autre lieu qu’ici, devant des auditeurs ou des lecteurs plus désintéressés et plus attentifs, que j’ai essayé et que j’essayerai encore d’expliquer comme il convient quelques-unes de ses violences et de ses extrémités de parole : penseur ardent et opiniâtre, dialecticien puissant, satirique vigoureux et souvent éloquent, qui ne marchandait pas les vérités, même aux siens, rude honnête homme mort à la peine. […] « Je n’accepte pas du tout cette situation, et personne parmi les lecteurs des deux séances ne voudra croire à ce renversement de rôles.