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472. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Pour l’histoire de France, le grand réveil du patriotisme que la Révolution provoqua lui donna un intérêt qui attira de ce côté auteurs et lecteurs. […] Cet admirable ouvrage n’est pas aussi lu chez nous qu’il devrait l’être : et la raison en est qu’il y a trop de pensée pour le commun des lecteurs : jamais de saillies, rien pour l’amusement ni le délassement : c’est un enchaînement austère et vigoureux de faits, de jugements, de prévisions. […] Le parti pris politique s’y fait peu sentir, par la vertu du sujet ; l’état d’esprit orléaniste s’élargit en pitié des vaincus, en sentiment douloureux des misères individuelles ou collectives ; l’historien est tout à la joie de faire sortir des vieilles chroniques, dans toute la barbarie de leurs noms germaniques hérissés de consonnes et d’aspirations, les Franks et leurs chefs, les Chlodowig, les Chlother, les Hilderik, les Gonthramm, de montrer par de petits faits significatifs ce qu’était un roi franc, comment étaient traités les Gaulois, de substituer dans l’imagination de son lecteur, à la place des dates insipides et des faits secs qu’on apprend au collège, une réalité précise, dramatique, vivante.

473. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Son style est, dit-on, si fantastique, si subtil, si extraordinaire, que même en Allemagne on a senti le besoin d’un guide pour l’intelligence de ses ouvrages, et qu’un dictionnaire particulier à l’usage de ses lecteurs se publie en ce moment. […] Delécluze avait creusé davantage dans son sujet, il se serait demandé par quel procédé de style l’auteur du Roi Lear et du Songe d’une nuit d’été fait ainsi travailler l’imagination de ses lecteurs. […] C’est que les pures conceptions se présentent toujours à Byron, comme autrefois à Shakespeare, sous une forme sensible ; les idées ont, pour ainsi dire, pour lui, des pieds et des bras, et, tourmenté par son démon, il ne fait jamais difficulté de donner au lecteur leurs membres dispersés.

474. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Il est cependant juste de signaler l’exception et de recommander aux lecteurs qui ont de demi-exigences Le Geste. […] Le lecteur se demande pourquoi je lui raconte, généreux, deux mélos au lieu d’un. […] Après cette opération, quelque lecteur indulgent croirait peut-être lire de la prose.

475. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Cela est surtout vrai lorsqu’on tient à associer le lecteur à ses jugements, et à faire que, par le seul exposé des faits, il en vienne à prononcer comme nous-même. […] il est évident qu’il le fut ; il l’est pour les lecteurs aujourd’hui ; il l’était dès lors pour les ministres mêmes qu’il poursuivait de ses sollicitations incessantes et qui ne savaient plus à la fin comment se dérober à ses rendez-vous obstinés. […] Au milieu de tout ce que j’ai dû omettre sur Beaumarchais, je serais heureux si j’étais parvenu à laisser se dessiner d’elle-même, dans l’esprit de mes lecteurs, sa figure si libre et si naturelle, telle que je la conçois, sans la forcer en rien, sans trop la presser, et en y respectant même les inconséquences.

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