Il faut que j’essaye de le décrire ce que ma langue et mon palais éprouvent. […] Je crois que l’artiste peut avoir l’ambition de corriger la nature et de s’élever au-dessus d’elle ; je crois en un mot, qu’il lui est permis de parler une langue idéale. […] Il était impossible à Racine d’imaginer et de penser autrement qu’avec l’imagination et l’esprit de son temps, de sentir avec un autre cœur que le sien, d’écrire une autre langue que cette langue polie et abstraite qu’il avait reçue des mains de Malherbe, et qui s’était encore épurée dans les salons de Louis XIV. […] Ces critiques confondent deux choses fort différentes : la nature et le vocabulaire d’une langue. […] Connaissance des beautés et des défauts de la poésie et de l’éloquence dans la langue française.
* * * — Flaubert nous dit, que lorsqu’il était enfant, il s’enfonçait tellement dans ses lectures, en se mordillant la langue et en se tortillant une mèche de cheveux avec les doigts, qu’il lui arrivait, à un moment, de choir à terre. […] Mais ne voilà-t-il pas que Renan se met à dire qu’il travaille à ôter de son livre toute la langue du journal, qu’il essaye d’écrire la vraie langue du xviie siècle, la langue définitivement fixée, et qui peut suffire à rendre tous les sentiments. […] … Et Saint-Simon, croyez-vous qu’il écrivit le langue de son siècle ? […] 8 juin En sortant d’une discussion violente chez Magny, et dont je me lève, le cœur battant dans la poitrine, la gorge et la langue sèches, j’acquiers la conviction suivante. […] Chacun a son marteau, on ne sort pas sans… J’ai donc déclaré que Rousseau était le plus mauvais écrivain de la langue française, et cela nous a fait une discussion avec Mme Sand jusqu’à une heure du matin… Tout de même, Manceau lui a joliment machiné ce Nohant pour la copie.
Dites que cette littérature est ignorante, sans critique, se jetant à l’étourdie à travers tout, pleine de méprises, de quiproquos et de bévues que personne ne relève, ne prenant les choses et les hommes graves du passé que dans un caprice du moment ; s’en faisant une contenance, un trait de couleur, un sujet de charmante et folle fantaisie ; et quand il s’agit d’être érudite, l’étant d’une érudition d’hier, toute de parade, soufflée et flatueuse : et voilà qu’on peut vous nommer, même dans les jeunes, des esprits patients, analytiques, circonspects, en quête de l’antique et lointaine érudition, de celle à laquelle on n’arrive qu’à travers les langues, les années et les préparations silencieuses d’un régime de Port-Royal.
Georges Courteline Peu de personnes connaissent ce livre, La Richesse de la Muse, d’une réelle splendeur de langue, et que Jacques Madeleine dédaigne beaucoup trop, en son excès d’inquiétude artistique.