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1118. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Le contact avec l’Italie, où ils ont leur gouvernement, leur donne l’élégance et l’urbanité des cours d’au-delà des Alpes ; leur séjour à la campagne leur laisse la cordiale bonhomie des champs ; le voisinage de la France, la communauté de langue laissent infiltrer chez eux nos livres, nos journaux, nos doctrines et nos controverses d’esprit. […] Quelquefois il résistait avec une obstination impénitente à raturer un mot ou une image. « Non, non, disait-il en persistant, cela les amusera à Paris ; il faut scandaliser un peu cette pruderie de leur langue !  […] C’était une captivité de Babylone pour toutes les aristocraties de l’Europe, un peuple dans un peuple, qui avait ses doctrines, ses passions, sa langue à part. M. de Maistre parla dès les premiers jours cette langue de l’émigration avec une habileté magistrale, une vigueur et une originalité qui créèrent son nom. […] La confédération seule est le mode futur de l’indépendance italienne, parce qu’elle laisse, à chacune des nationalités si diverses et si justement fières de la Péninsule, son nom, sa capitale, ses mœurs, sa langue, sa dignité, son poids personnel dans l’ensemble.

1119. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Elle encourage les arts qui succèdent aux industries ; Florence se couvre de monuments, véritable diadème de l’Italie moderne ; elle semble gouvernée pour l’honneur de l’esprit humain par une dynastie de Périclès ; sa langue devient la langue classique de l’Italie régénérée ; ses mœurs s’adoucissent comme ses lois ; son peuple, déshabitué des guerres civiles, reste actif sans être turbulent ; il cultive, il fabrique, il navigue, il commerce, il bâtit, il sculpte, il peint, il discute, il chante, il jouit d’un régime tempéré et serein comme son climat ; les collines de l’Arno, couvertes de palais, de villages, de fabriques, d’oliviers, de vignobles, de mûriers, qui lui versent l’huile, le vin, la soie, deviennent pendant trois siècles l’Arcadie industrielle du monde ! […] Le dictateur Manin y vécut dans une pauvreté fière et volontaire, il y vécut de son travail quotidien de professeur de langue italienne. Il en fixait lui-même le salaire au niveau des plus modiques rétributions des maîtres de langue. […] XXVII On a vu ces princes se glisser presque furtivement en Italie, quoique n’ayant rien d’italien ni dans le sang, ni dans les mœurs, ni dans la langue, à l’époque où la confusion des guerres intestines de la Lombardie laissait leurs incursions libres et impunies.

1120. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Pourquoi ta langue harmonieuse est-elle devenue muette ? […] Est-il démontré que l’histoire d’Écosse et d’Irlande, écrite en langue erse et gallique, ait laissé des monuments de poésie historique, chantés lyriquement et épiquement par les bardes ou poëtes primitifs, dont Ossian, son père Fingal, son fils Oscar et beaucoup d’autres plus ou moins célèbres ont immortalisé les récits ? […] car ces débris de la langue gallique existent encore. […] L’invention, le style, les images ossianiques ne sont-ils pas restés dans toutes les langues de l’Europe, depuis l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la France, une partie du trésor connu de l’intelligence ? […] Mais maintenant la vieillesse a glacé ma langue, et mon âme est éteinte : j’entends encore quelquefois les ombres des bardes, et je tâche de retenir leurs chants mélodieux.

1121. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Mais il y a pour la France une considération spéciale qui devrait la sauvegarder contre bien des dangers : c’est que la nature même du drame wagnérien, l’importance que chaque mot y acquiert et l’immobilité qui est assignée au mot par sa liaison avec la musique, rendent toute traduction de ces drames en langue française impossible. […] Elle se fait en petit, par les quelques excellents Wagnériens de Paris et de certaines villes de province ou de pays limitrophes de langue française. […] Cela est d’autant plus regrettable qu’il n’existe pas même en allemand une biographie qu’on puisse recommander aux Français qui connaissent cette langue. […] Mais en attendant, qu’on se contente de suivre les préceptes wagnériens, et de chercher dans la nation elle-même et dans sa langue, non pas à l’étranger, les bases du nouveau drame. […] Il y faut une personne occupée depuis de longues années à des études raisonnées et suivies sur Wagner, connaissant assez toutes les langues pour comprendre sans peine tous les documents ; enfin plus intéressée à la valeur intime des papiers recueillis qu’à la richesse numérique de la collection.

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