Le style de cet Auteur est coulant & rapide, mais incorrect, négligé ; défaut ordinaire à ceux qui écrivent en pays étranger, où l’Ecrivain oublie son langage, & où les Lecteurs ne sont pas difficiles à contenter.
Celui qui a pour titre, Réflexions critiques & patriotiques, offre à la fois & le langage d’un Apôtre zélé de la morale évangélique, & les vûes d’un Citoyen jaloux de la gloire de sa patrie.
On y trouve, il est vrai, ce qu’il faudroit aller chercher dans cent Auteurs différens ; mais on y chercheroit vainement du goût, de l’exactitude dans les faits, de la vérité dans les portraits, de la nouveauté dans les idées, de la noblesse & de la correction dans le langage.
C’était la grande flatterie de l’antiquité adressée à tous les partis qui veulent être adulés, assez de vérités pour être intéressant, assez de mensonges pour orner le vrai, et surtout assez d’élégance et de perfection de langage pour enchanter tous les lecteurs. […] LXIV Chateaubriand crut, comme un enfant, que le poëme épique pouvait renaître et conquérir un renom impérissable à son auteur, pourvu qu’il eût un grand talent ; il oublia du même coup le fond qui était la foi, et la forme qui était le vers, forme idéale et parfaite du langage humain. […] Mais, pour en faire un poëme épique transcendant, il y fallait la foi préexistante du monde ; et dans l’exécution, il fallait le vers, qui donne au langage plus de prestige et au sens plus d’autorité. […] Ni Démosthène, ni Cicéron, ni Machiavel, ni Bossuet, ni Fénelon, ni Mirabeau, ni les premiers des écrivains ou des orateurs dans toutes les langues antiques ou modernes, qui ont essayé d’atteindre à cette perfection du langage humain, n’ont jamais pu y parvenir ; ils n’ont laissé après eux dans leurs œuvres que des débris de leurs tentatives, témoignage aussi de leur impuissance ; cela est plus remarquable encore dans les orateurs qui semblent se rapprocher davantage encore des poëtes par la force et par la soudaineté de la sensation ; aucun d’eux n’a pu dérober une strophe à Pindare ou dix vers à Homère, à Virgile, à Pétrarque, à Racine, à Hugo ; il semble qu’ils vont y atteindre ; mais, au dernier effort, la force leur manque, ils échouent, ils restent en arrière, ils ne peuvent pas, le pied leur glisse, ils se rejettent dans la prose, ils se sentent vaincus.