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733. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Son visage, où la beauté de ses traits et la sainteté de ses pensées luttaient ensemble, comme pour s’accomplir l’une par l’autre, me donnait, bien plus encore qu’un livre, le spectacle de cette transformation presque visible de l’intelligence en expression physique, et de l’expression physique en intelligence. […] Elles fermèrent à grand bruit l’une des deux portes de la maison qui ouvrait sur le péristyle ; les chèvres effarouchées les suivirent. […] Montez avec moi, mon enfant, continua-t-il en me prenant par la main, et venez voir par vous-même combien il faut peu d’espace et peu de richesse à un homme sage pour être heureux. » XXVI En parlant ainsi il me fit monter l’escalier qui conduisait à la galerie d’où les deux sœurs venaient de s’enfuir à ma vue ; l’une d’elles, au bruit de nos pas, entrouvrit presque furtivement la porte qui s’était refermée sur elles ; elle la referma aussitôt avec la précipitation d’une femme d’Orient à l’aspect d’un homme qui entre par inadvertance dans le jardin du harem.

734. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Cette différence essentielle entre la tragédie et la comédie, l’une s’attachant à des individus et l’autre à des genres, se traduit d’une autre manière encore. […] Il faudrait peut-être rapporter à cette origine le comique tout à fait grossier de certains effets que les psychologues ont insuffisamment expliqués par le contraste : un petit homme qui se baisse pour passer sous une grande porte ; deux personnes, l’une très haute, l’autre minuscule, qui marchent gravement en se donnant le bras, etc. […] Mais le contraste entre ces deux logiques, l’une particulière et l’autre universelle, engendre certains effets comiques d’une nature spéciale, sur lesquels il ne sera pas inutile de s’appesantir plus longuement.

735. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Une autre victime, c’était La Chaussée, l’inventeur de la comédie larmoyante, un gibier à sa portée : Connaissez-vous sur l’Hélicon   L’une et l’autre Thalie ? L’une est chaussée et l’autre non,   Mais c’est la plus jolie. L’une a le rire de Vénus,   L’autre est froide et pincée : Honneur à la belle aux pieds nus,   Nargue de la chaussée. […] Bonhomme n’a réussi tout au plus qu’à faire de Mlle de Bar une lectrice de la marquise de Mimeure, au lieu d’une femme de chambre : on peut admettre, si l’on veut, qu’ayant commencé par être l’une, elle avait fini par devenir l’autre ; elle sera montée en grade avec les années.

736. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

… » Comme si, par une association naturelle avec les touchantes beautés de l’Odyssée, il avait eu à cœur de dater d’Ithaque tous les souvenirs les plus chers de la patrie, Gandar écrivait de là aussi à une personne dont le nom ne m’est pas indiqué, qui pourrait bien être celle à laquelle il était déjà fiancé de cœur et qui devint plus tard, et non sans d’assez longues épreuves, la digne et dévouée compagne de sa vie ; ou si ce n’est elle, il s’adressait à elle par une amie commune, et en parlant à l’une, il pensait certainement à l’autre. […] Mon impression maintenant est plus nette, et j’espère, cet hiver, jeter quelque lumière sur une question qui est, à mes yeux, l’une des plus importantes et l’une des plus délicates que présente l’histoire des lettres. » Il me semble que la lumière qu’il désirait est toute faite ; l’observation est bien simple et ne paraît pas comporter tant de mystères. […] Gandar, qui a si bien rendu toute justice au Dante, n’est pas injuste pour l’Arioste, pas plus que tout à l’heure pour Sheridan, et, à l’occasion des ouvrages du Titien réunis à l’Exposition de Manchester, et d’une suite de portraits excellents, il écrivait : « Le meilleur de tous, et l’une des peintures les plus parfaites de toute cette Exposition, est un portrait de l’Arioste.

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