/ 1884
146. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Darwin demandait à des Gauchos adonnés à la boisson, au jeu ou au vol, pourquoi ils ne travaillaient pas. […] Ils ne mettent en jeu dans l’organisme que les éléments nécessaires à leur exécution, et leur adaptation est parfaite. […] Un état de conscience étant ainsi devenu prépondérant, le mécanisme de l’association entre en jeu suivant sa forme multiple. […] Ils y voient « une action de l’âme sur le cerveau pour le mettre en jeu ». […] Il est certain qu’entre ces quatre degrés il y a continuité et qu’il y a toujours en jeu un élément moteur, avec une simple différence du plus au moins.

147. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Même, par le jeu magique de son art, le poète peut donner aux mots qu’il manie un sens inattendu. […] Exiger trop de précision, c’est peut-être ne pas comprendre le jeu verbal qu’est avant tout la poésie. […] Le jeu des mots comme le jeu des couleurs est infini, et de même que le peintre peut mettre du sentiment dans ses couleurs, le poète peut, par la combinaison des mots, peindre toutes ses sensations de son être, et les rendre palpables, visibles, sensibles. […] Vraiment, ce sont là jeux de petites filles très pures et même très pieuses : elles croient à l’amour et s’entrebaisent avec une respectueuse adoration. […] Gillette veut remettre l’amour à sa place, en faire un jeu sans plus d’importance que cela, et le jeu devient terrible et mortel.

148. (1926) L’esprit contre la raison

Ainsi, par exemple, de l’idolâtrie scientiste, où la masse par le plus hypocrite des jeux de mots trouvait illusion de progrès spirituel sans, toutefois, perdre de vue les fins utiles ni oublier les profits particuliers à tirer de nouvelles découvertes. […] L’ère des divertissements passéeci, qui donc se contenterait des pointes, jeux d’esprit dont tant n’acceptent le secours qu’à seule fin d’éviter d’aller au centre même du débat ? […] La citation de Descartes fait, par le jeu de la métaphore filée, figure d’étape préhistorique de la pensée figée dans ses certitudes, source d’un positivisme au ras du sol que tout oppose à la lumière incertaine de l’inconnu. […] ») est sans ambiguïté ; Crevel figurait en tête des signataires… Il récuse le dandysme et le culte du bibelot fin de siècle, mais aussi certaine fascination du mot et de ses jeux qu’on peut retrouver de Mallarmé jusqu’aux raffinements de la forme chez Valéry. […] Il attaque à cette date outre Barrès ceux qui, comme Desnos, ont poussé fort loin l’art du jeu de mots en poésie et récusent le virage politique à l’ordre du jour.

149. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

On sait en général que rien n’est plus propre et plus particulier à une langue que ses mots familiers, ses proverbes, ses quolibets, ses pointes, ses jeux de mots, et qu’il est très difficile de les transporter heureusement dans une autre : il y a surtout une si prodigieuse différence, quoi qu’en aient dit certains érudits très superficiels, entre les mœurs, les idées, les usages, le tour d’esprit et le goût des Français et des Athéniens, qu’il est à peu près impossible que le sel d’Aristophane ait quelque chose de piquant pour nous. […] Les Grecs furent autrefois justement scandalisés de cette restriction mentale, de cette distinction sophistique : elle ne sert d’ailleurs ici qu’à faire en grec un beau jeu de mots : car Hippolyte finit par reconnaître la validité de ce serment qu’il n’avait fait que de bouche, et promet d’épargner l’honneur de Phèdre : mais il se dédommage de cette contrainte par une tirade épouvantable contre le beau sexe ; elle est curieuse et originale plus qu’on ne saurait croire, et tient beaucoup du comique. […] On nous dit sérieusement que, dans les petits jeux de société, on donnait pour pénitence de lire quelques vers d’Athalie ; et quand on était condamné à la page tout entière, c’était une rigueur excessive. […] Notre esprit actuel est tout entier dans des jeux et des oppositions de mots : il ne faut aucun esprit pour le saisir et l’entendre. […] Les expressions les plus comiques de Molière seraient sifflées aujourd’hui, ainsi que la plupart de ses meilleures comédies, où il n’y a ni pointes, ni jeux de mots, ni termes à double sens, où l’on trouve un comique fort de choses, un bon sens vigoureux, et une verve de style qui souvent scandalise nos précieuses et nos aussi beaux-esprits.

/ 1884