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724. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Je te dirai pourtant que si j’avais là ce volume dont tu me parles, je ne le lirais pas… Je t’ai toujours trouvé ce tort funeste de te jeter au-devant des couteaux. […] Lacaussade ; mais il est si malheureux qu’il comprend le sauve qui peut des âmes qui ne se jettent pas dans la lutte, et qui vont s’enfermer, croyant tout fuir… Ce serait là pour nous l’erreur la plus funeste ; et c’est en cela que j’ai peur pour l’autre s’il l’a osé ; je dis si, ma Pauline, car personne encore ne croit tout à fait à ce bruit que rien ne confirme, et que l’on fait toujours courir sur ceux que l’Italie attarde et rend affreusement paresseux d’écrire. […] Je l’ai priée aussi pour nous tous, je me suis jetée à sa miséricorde ; je lui ai demandé qu’elle te récompense de tout le bien que tu fais, qui est d’autant plus méritoire que ta position est bien difficile.

725. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Cette vogue usurpée, imméritée, presque inexplicable, du Roman de la Rose, et l’imitation à satiété qui en fut la conséquence, jetèrent l’esprit français dans une route de traverse où il s’empêcha et s’empêtra durant près de deux siècles. […] La verve satirique de certains détails de la seconde partie, l’audace philosophique de quelques conceptions surajoutées à l’idée première, contribuèrent à répandre ce poème, et, comme la popularité en fut énorme, disproportionnée, toute la poésie se jeta sur cette nouveauté, qui atteignit même le théâtre en y créant le genre insipide des moralités et soties. […] C’est une grosse erreur ; car, d’un côté, le Roman de la Rose est un symptôme, un résultat au lieu d’être une cause, et de l’autre il est venu à la fin d’une période qui avait été grande et qui reste plus importante que ce qui l’a suivi ; il a apporté un élément nouveau sans doute, mais regrettable, et, par son succès, il a jeté la poésie française dans une voie déplorable, où elle pouvait rester éternellement embourbée ; en somme, il lui a fait perdre près de deux siècles et peut-être vingt poètes.

726. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Un bon nombre des psaumes ou cantiques, qui composent l’Homme de Désir, pourraient passer pour de larges et mouvants canevas, jetés par notre illustre contemporain, dans un de ces moments d’ineffable ébriété où il chante : Encore un hymne, ô ma lyre ! […] qu’un peu de ces chants, un peu de ces couronnes, « Avant les pâles jours, avant les lents automnes, « M’eût été dû plutôt à l’âge efflorescent, « Où jeune, inconnu, seul avec mon vœu puissant, « Dans ce même Paris cherchant en vain ma place, « Je n’y trouvais qu’écueils, fronts légers ou de glace, « Et qu’en diversion à mes vastes désirs, « Empruntant du hasard l’or qu’on jette aux plaisirs, « Je m’agitais au port, navigateur sans monde, « Mais aimant, espérant, âme ouverte et féconde ! […] » Et le discours bientôt sur quelque autre pensée  Échappa, comme une onde au caprice laissée ; Mais ce qu’ainsi ta bouche aux vents avait jeté, Mon souvenir profond l’a depuis médité. 

727. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il ne savait pas bien ce qu’il voulait écrire : une théorie du scepticisme où il y a de tout ce qui fermente dans la tête d’un homme ; le dé jeté à la tête de tous les partis. […] Ils se jetèrent sur Atala. […] Et pourtant ils sont battus, ils sont jetés de côté et à la renverse : d’où vient cela ?

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