Quand elle se prit de goût et d’intelligence pour M. de Meilhan, il avait, lui, quarante-six ans, l’âge où l’homme resté le plus beau parle moins à l’imagination qu’à la pensée, et elle en avait soixante-huit, mais soixante-huit si sereins et si fermes, que la dépravation de tête, le néant de tout et l’ennui, l’horrible ennui d’une créature qui vit sans Dieu, dans le cachot de la cécité, ne firent pas d’elle une Madame Du Deffand, amoureuse d’un autre Horace Walpole !
Sans doute, la modération dans les désirs, quand on a le moyen de se modérer, la résignation qui souffre la vie pour moins souffrir de la vie, le calme de l’intelligence qui comprend la nécessité, sont des conditions de santé jusqu’à un certain point, ce qui ne veut absolument rien dire puisque ces conditions sont sans solidité, éternellement menacées par l’imprévu, et peuvent être renversées… par le premier vent-coulis, qui plante un point de côté à Goethe ou à Kant, par exemple, et les emporte, malgré la défense ou le remède de « leurs grandes pensées » !
Quoique sans génie, sans talent, sans esprit, sans homme d’intelligence première, elles s’emparent de l’esprit moderne avec un effroyable ascendant, et elles rencontrent précisément dans le « sens commun » d’un temps matérialisé de mœurs par une corruption de deux siècles, le plus redoutable auxiliaire.
En psalmodiant David ou en méditant Jérémie, sous ces vitraux devenus obscurs, au déclin de complies où l’Esprit de Ténèbres — dit le Psaume — rôde de plus près autour de nous, Bossuet s’assimilait par l’intelligence une tristesse qui ne devait jamais atteindre la sérénité de son âme, et qu’il devait pourtant exprimer !