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331. (1898) La cité antique

Leur unique pensée, comme leur unique intérêt, était qu’il y eût toujours un homme de leur sang pour apporter les offrandes au tombeau. […] Le grand intérêt de la vie humaine est de continuer la descendance pour continuer le culte. […] Ces dieux avaient mêmes intérêts que les hommes leurs concitoyens. […] Mais leur bienveillance et leur intérêt même ne pouvaient pas abolir les anciennes lois que la religion avait établies. […] Il était presque impossible que l’intérêt privé fût en désaccord avec l’intérêt public.

332. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

On le croirait vraiment, à voir l’intérêt qu’il porte à ce jeune rival. […] Si l’on considère sous ce jour l’histoire de Lesurques, on comprend tout l’intérêt qu’elle a excité. […] Quel intérêt pensent-ils que les lecteurs prennent à ces débats ? […] Il avait vraiment cessé de penser à son bonheur, à son intérêt. […] L’intérêt se soutient par trop de moyens et par de trop gros moyens surtout.

333. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Elle se traduisait trop littéralement les luttes générales de Paris par celles de Lyon, dans lesquelles les intérêts de l’ancien régime et du nouveau se trouvaient plus directement aux prises sans modérateur intermédiaire. Dégoûtée vite de Lyon, et désespérant de rien voir sortir d’intérêts contraires aussi aveugles à se combattre et aussi passionnés, elle n’apporta que plus d’irritation dans la querelle générale qu’elle n’avait pas suivie de près et dont la complication, même de près et durant la première phase d’enthousiasme, lui eût peut-être également échappé. […] En les rapprochant des événements récents (et on ne peut s’empêcher de le faire en voyant les mêmes intérêts aux mains, les mêmes guerres recrudescentes, et jusqu’aux mêmes devises sur les drapeaux), on apprend combien la vieille plaie a duré et s’est aigrie, combien, à plus de quarante ans de distance, on a peu gagné de remèdes par cette science sociale tant vantée : on rentre dans l’humilité alors, de se voir si médiocrement avancé, bien que sous l’invocation perpétuelle de ce dieu Progrès que de toutes parts on inaugure77. […] Le désintéressement que réclame la chose publique trouve sous sa plume une vertueuse énergie d’expression : « Quand on ne s’est pas habitué, dit-elle, à identifier son intérêt et sa gloire avec le bien et la splendeur du général, on va toujours petitement, se recherchant soi-même et perdant de vue le but auquel on devrait tendre. » Mais au même moment son noble cœur, si désintéressé des ambitions vulgaires, se laisse aller volontiers à l’idée des orages, et les appelle presque pour avoir occasion de s’y déployer. […] Elle aime à associer les noms de l’amitié aux émotions publiques qui envahissent son âme et la transportent : « C’est ajouter, » dit-elle en un style plein de nombre et dont le tour accompli rappelle le parler de Mme de Wolmar, « c’est ajouter au grand intérêt d’une superbe histoire l’intérêt touchant d’un sentiment particulier ; c’est réunir au patriotisme qui généralise, élève les affections, le charme de l’amitié qui les embellit toutes et les perfectionne encore. » Les lettres du 24 et du 26 janvier 91 à Bancal, alors à Londres, par lesquelles elle essaie de le consoler de la mort d’un père, méritent une place à côté des plus élevées et des plus éloquentes effusions d’une philosophie forte, mais sensible.

334. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Ducis s’est bien gardé d’emprunter ce trait à Shakespeare, et n’en a pas excité moins d’intérêt pour Hédelmone ; il a fait pleurer sur elle des spectateurs plus délicats. […] Mais d’abord si la pièce s’ouvre par un entretien de César et d’Antoine, ou par une séance du sénat romain, c’est l’action même qui commence dès la première scène : voilà l’exposition pleinement classique, elle ne prépare l’intérêt qu’en l’établissant déjà ; elle nous plonge dans l’illusion dramatique sans nous laisser le temps de nous en défendre. […] Les faits, l’action, le dénouement sont créés par le poète ; mais en effet ce sont bien là, quoi qu’on ait voulu dire, les Musulmans et les croisés du temps de saint Louis ; ce sont réellement leurs idées, leurs affections, leurs habitudes, leurs caractères ; et cette tragédie existait en quelque sorte toute entière dans l’atmosphère historique ; voilà pourquoi elle est si pleine d’intérêt et d’instruction : à beaucoup d’égards, on en peut dire autant d’Alzire. […] Il a fallu aux classiques comme aux romantiques une longue expérience pour reconnaître que l’amour, dès qu’on l’admet sur la scène, doit l’envahir toute entière, et subordonner tous les intérêts aux siens ; qu’il ne souffre autour de lui l’ambition et la politique que pour les employer à le servir. […] Ce n’est pas tout à fait sans fondement qu’on reproche aux tragiques français de n’exposer que les résultats matériels d’une conspiration, d’une révolution ; de n’en point laisser voir les causes ; de ne pas pénétrer assez avant dans le secret des intrigues qui préparent ces grands mouvements ; d’être avares enfin de ces détails où réside souvent, en une telle matière, le plus vif et le plus intime intérêt.

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