Les paroles de Bonaparte, prises ainsi sur le vif, se rencontrent à tout instant dans les notes et papiers de Roederer, et leur donnent un incomparable intérêt. […] Quand il s’agit de nommer des consuls définitifs et qu’on eut arrêté le premier choix de Cambacérès, Roederer, qui pouvait avoir des espérances pour la troisième place, dut les perdre lorsqu’un jour Bonaparte, en le voyant entrer, lui dit comme pour répondre à sa pensée : « Citoyen Roederer, vous avez des ennemis. » — « Je les ai bien mérités, répondit-il, et je m’en félicite. » Et il fut, l’instant d’après, le plus vif à recommander à la désignation du premier consul le nom considéré de Lebrun59.
Messire Arnoul d’Audrehem, l’autre maréchal, est blessé et fait prisonnier : « À peine vit-on jamais, dit Froissart, tomber en peu d’heures si grand méchef sur gens d’armes et bons combattants, qu’il advint sur cette bataille des maréchaux de France ; car ils fondoient l’un sur l’autre et ne pouvoient aller avant. » Quelle image expressive de ces vaillants hommes détruits en un instant, et qui fondoient l’un sur l’autre ! […] Mais au même instant, le chevalier, tout grand et robuste qu’il est, a fort à faire pour défendre sa noble capture ; car, Anglais et Gascons, c’est à qui se ruera à l’entour du roi en criant à tue-tête : « Je l’ai pris !
Aujourd’hui même j’ignore si cette religion de liberté qui redevient en vogue, et que je vois professée partout, admet, un instant, la liberté non pas de la contredire, mais de proposer quelque amendement, quelques observations. […] A chaque instant chez lui, lorsqu’il emploie les expressions les plus simples et les plus indiquées, il lui arrive d’ajouter avec dédain : pour employer le jargon moderne.
C’est lui qui a dévasté cette petite rive ; il lui a plu, après avoir glissé docile et muet dans les prairies, de faire ici une légère pirouette et d’y amasser un peu de sable pour y sommeiller un instant avant de reprendre sa marche silencieuse et mesurée. […] À chaque instant de gros nuages noirs s’amoncelaient au large, puis approchaient du rivage.