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590. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

etc. » Ulysse, confident habile et discret d’Agamemnon, inspiré à propos par Minerve, sagesse divine, se répand alors de groupe en groupe et révèle à voix basse, aux chefs étonnés, que le discours d’Agamemnon n’est qu’une épreuve qu’il veut faire sur l’esprit public de l’armée. […] L’opération est décrite avec le pieux respect qu’inspirait déjà, du temps d’Homère, ces fils d’Esculape, au cœur de femme et à la main divine, qui soulagent les douleurs des hommes. […] XIII Ces scènes, les unes publiques, les autres domestiques, de ce sixième chant ; ces amours voluptueuses dans la chambre d’Hélène ; ces amours chastes dans le palais d’Andromaque ; ces adieux sur la tour de la porte Scées ; ce cœur d’épouse qui fléchit sous ses alarmes ; ce cœur d’époux qui s’affermit tout en s’attendrissant sous le sentiment de son devoir ; cette habileté instinctive de la mère, qui se fait suivre par la nourrice et par l’enfant pour doubler sa puissance d’amante par le prestige de sa maternité ; ce dialogue, dont chaque mot est pris dans les instincts les plus vrais, les plus délicats et les plus saints de la nature ; cette passion légitimée par la chaste union des deux époux ; cette éloquence qui coule sans vaines figures et sans fausse déclamation des deux cœurs ; cet épisode puéril et attendrissant à la fois de l’enfant effrayé du panache et se replongeant dans le sein de la nourrice en se détournant des bras de son père ; ce père qui berce l’enfant de ces mêmes bras forts qui vont tout à l’heure lancer le javelot d’airain contre Achille ; le pressentiment sinistre de cette épouse, qui se rappelle tout à coup et comme involontairement que c’est ce même Achille qui a tué jadis son père et ses sept frères ; enfin jusqu’à ces ormeaux plantés autour de la tombe de ce père d’Andromaque qui s’élancent tout à coup de son souvenir comme des flèches de cyprès dans un ciel serein ; puis les larmes mal contenues qui voilent les yeux ; puis le départ en sanglotant, et ce visage qui se retourne tout en pleurs pour apercevoir une dernière fois celui qui emporte son âme ; puis ce retour dans sa maison vide de son mari, mais pleine de femmes indifférentes, et cette présence d’Andromaque, seule avec l’enfant et la nourrice, excitant, par la compassion qu’elle inspire, sans parler, plus de sanglots que la chute et l’incendie d’Ilion n’en feront bientôt éclater sur la colline des Figuiers, ce sont là autant de coups de pinceau qui égalent le peintre à la nature et qui font du poète plus qu’un homme, un interprète véritablement divin entre la nature humaine et le cœur humain ! […] Cette admiration de l’antiquité, admiration fondée en moi sur la connaissance précoce de ses chefs-d’œuvre dans toutes les langues et dans tous les arts, m’inspirait, il y a quelques années, au nom d’Homère, les vers suivants : Homère ! […] On voit, par cette incomparable scène et par cette incomparable élégie, qu’Homère aurait été aussi dramatique qu’il était épique, lui, la source inépuisable de tous les drames que son poème a inspirés à toutes les scènes de l’univers !

591. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Dès cette époque, il remarquait que les exemplaires les plus complets et les plus assurés de vertu, ceux qui nous inspirent le plus de confiance, nous sont offerts par des croyants au surnaturel, et qu’il n’y a rien de meilleur ni de plus respectable qu’un bon prêtre ou qu’une religieuse sainte. […] Et cependant, il se sent une force qu’il n’avait pas auparavant : … Ces actes, ces fautes, ces plaisirs, pour lesquels on avait du mépris, on s’y laissait entraîner : maintenant qu’ils inspirent un attrait horrible, qu’ils vous donnent une soif d’enfer, vous n’y cédez pas. […] Même féroce et impie, le peuple lui inspirera toujours plus de pitié que de colère. […] L’intrépidité de sa foi et même la hardiesse des jugements qu’elle lui inspire sur les affaires de ce monde recouvre et suppose, à l’origine, l’horreur de l’incertitude et de la solitude, l’impossibilité de durer dans la non-affirmation, l’impérieux besoin de support et de magistère, en somme le frisson de je ne sais quelle peur irréductible, la peur du noir, celle qui jette les mourants aux bras des prêtres. […] Les pages que lui inspira la guerre de Crimée sont de la plus haute et de la plus chaude éloquence.

592. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Même lorsqu’ils se sont inspirés de types réels, il les ont toujours plus ou moins transfigurés en y ajoutant des traits significatifs et suggestifs ; le génie refait toujours plus ou moins la nature, l’enrichit, la développe. […] Ce procédé est celui qui inspire les descriptions de la nature, depuis les simples campagnes des diverses régions de notre France jusqu’aux pays exotiques. […] C’est souvent une chance relative, quand on a du génie, que de souffrir beaucoup : cela inspire et dirige l’inspiration du côté réel. […] Au dix-septième siècle, ils ont inspiré aussi les premiers essais lyriques de Corneille et de Racine, les strophes de Polyeucte et de la traduction de l’Imitation, les chœurs d’Esther et d’Athalie. […] Un spectre parut devant mes yeux, et j’entendis une voix comme un petit souffle. » « La terre, s’écrie à son tour Isaïe, chancellera comme un homme ivre : elle sera transportée comme une tente dressée pour une nuit. » Que notre littérature romantique se soit inspirée de la Bible, cela est tout simple, puisqu’elle chercha dès ses débuts à faire des pastiches du genre oriental.

593. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Il faudrait bien les suivre, ô Boileau, pour leur dire Qu’ils égarent le souffle où leur doux chant s’inspire, Et qui diffère tant, même en plein carrefour, Du son rauque et menteur des trompettes du jour.

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