Et l’intérêt qu’elle inspire, pour toutes ces raisons, est si grand, que partout où l’on prend cette histoire, partout où l’on coupe une tranche dans ce splendide morceau intellectuel qu’on appelle l’histoire de l’Église, il y a des régals inouïs, je ne dis pas seulement pour la foi, mais pour la pensée. […] Ni le Hussitisme et ses guerres d’un fanatisme si sauvage, ni le Condottierisme qui déchire et se partage l’Italie, ni les exploits de Huniade et de Scanderbeg contre les Turcs, inspirés par l’héroïque mais mourant esprit des Croisades, n’ont la gravité désastreuse de ce concile de Bâle où la Révolution, comme les temps modernes l’ont vue depuis, sophistique, bavarde, ergoteuse, n’ayant à la bouche que cet insolent et menaçant mot de réforme qui a fini par titrer le protestantisme, est entrée dans l’Église pour descendre de cette cime du monde et s’étendre dans le monde entier, et de religieuse se faire politique sans pour cela cesser d’être religieuse, — les communards et les athées de ce temps ne le prouvent-ils pas ?
Indépendant par la fortune, marié à une femme qui pourrait faire taire la Muse, ce qui est plus fort que de l’inspirer, heureux comme Byron aurait désiré l’être et comme il ne le fut jamais, il pouvait envoyer promener les lettres et ne les aimer qu’en sybarite délicat et nonchalant, comme on aime ce qui pare la vie. — les parfums, la musique et les fleurs. […] Ainsi, un La Bruyère jeune homme, un La Bruyère Damis, quand La Bruyère ne le fut jamais, quand La Bruyère est le plus beau talent d’automne qui ait jamais épandu sur les choses humaines des rayons désarmés, tout souriants de mélancolie ; ainsi, un La Bruyère en colère, — aussi en colère que lord Byron dans sa fameuse satire contre la fille de chambre qui l’avait brouillé avec sa femme, et qui était probablement une dévote de l’Église officielle d’Angleterre, — tel est l’auteur de ce petit livre des Dévotes, dont la seule sincérité est le ressentiment qui l’inspira.
Ces idées, par elles-mêmes, inspirent à l’imagination une espèce de terreur qui n’est pas loin du sublime. […] Il ne s’aperçoit ni qu’il s’élève, ni qu’il s’abaisse ; et dans sa négligence, jointe à sa grandeur, il semble se jouer même de l’admiration qu’il inspire.
On pourrait plutôt reconnaître dans le langage de ces chants une sorte de piété panthéiste analogue à celle qui, dans des temps plus reculés, et chez des ancêtres oubliés de la race grecque, avait inspiré quelques accents des Védas. […] Rendez-vous fort au plus vite, en chassant loin de vous la plainte efféminée. » On le voit, avec la mobilité du génie grec, cet Archiloque, banni de Sparte pour avoir plaisanté du courage, savait l’inspirer par ses vers et s’en armait contre le mépris excité par ses fautes47 : « Ô mon âme, dit-il, battue de maux intolérables, souffre avec fermeté ; et, la poitrine jetée au-devant des ennemis, repousse-les, en restant inflexible sous leurs coups : victorieuse, ne t’enorgueillis pas ; et vaincue, ne demeure pas dans l’ombre à pleurer ; mais, dans le bonheur et dans les revers, triomphe ou afflige-toi modérément ; puis reconnais quel courant fatal entraîne les hommes. » Le poëte capable de ces mâles et sévères accents pouvait redire les hauts faits.